Savages est à la base un collectif londonien qui a surtout écumé les salles de concerts de la ville avec pour but primaire, pour ne pas dire primitif, de jouer de la musique.
Et c’est presque tout, puisque les quatre filles ont rejetées (dans un mouvement qu’on imagine plein d’une juste rage de puriste) tout le décorum propre à notre époque, ce qui inclut une mise au ban des téléphones à leurs concerts.
Du coup, Savages, à Rock en Seine ou au Pitchfork Festival Chicago, c’est à la fois une consécration pour les quatre filles du groupe, tout autant qu’une contradiction. Puisque avec ce genre de festival, l’idée d’expériences immersives et personnelles (sans même parler de l’interdiction des mobiles) semble être bien plus dure à mettre en place.
Pas de paillette et sûrement pas de "girl power" pop et trashy du côté du farouche Silence Yourself qui se désigne tout naturellement comme un album post-punk et résolument sombre. Et le silence, quand les filles ne le demandent pas pour les portables, elles l’imposent tout simplement avec un génie du dépouillement.
"Shut Up", première piste de l’album, s’offre comme une entame féroce qui entre le chant de Jehnny Beth (Camille Berthomier) et l’alternance au premier plan de la guitare de Gemma Thompson et de la basse d’Ayse Hassan, ne désenfle à aucun moment d’un puissant sentiment d’urgence. "Husband" et "I Am Here" et leurs répétitions de rythmes et de paroles réussiront tout comme "Hit Me" à pousser l’urgence du côté de l’hystérie, avec une utilisation de guitares distordues et énervées.
Quant aux propos et aux mots, ils sont crus et réutilisés autant que faire ce peu, marquant un peu plus le dépouillement primaire qui personnifie Savages. D’ailleurs, chaque terme est utilisé avec une redondance presque mathématique qui n’exige pas de réelle compréhension autre que celle du rythme. Une apparente nudité qui confirme le groupe comme un quatuor largement capable de faire passer (d’imposer ?) ses idées tant avec ses instruments qu’avec la voix. Une démarche louable et rafraîchissante qui prend largement à contre-pieds les logiques des productions musicales actuelles.
Silence Yourself s’offrira comme un véritable album de rock and roll, au sens premier du terme, fort d’une beauté crue et évidemment violente puisque dénué de tout artifice. Mais pouvions-nous nous attendre à autre chose de la part d’un groupe appelé Savages ? |