Monologue dramatique d'après une oeuvre de Aimé Césaire dit par David Valère dans une mise en scène de Stéphane Michaud.
Quand on connaît le texte de "Cahier d'un retour au pays natal", œuvre à la fois fertile et aride, austère et baroque, quand on pratique la langue féconde d'Aimé Césaire où chaque mot pèse le poids de la souffrance d'un peuple entier, on se dit que concevoir un spectacle s'en inspirant va s'avérer une entreprise d'une rare difficulté.
Une entreprise qui doit aussi reposer sur une attention soutenue, quasi surhumaine, de la part des spectateurs.
Annoncé par un communiqué à destination des passagers débarquant à l'aéroport de Fort-de-France, le spectacle commence par ce qu'on attendait : la lecture presque dans le noir de l'oeuvre majeure de Césaire.
Seul sur une scène vide avec pour unique compagnon un énorme bidon-tonneau, David Valère scande avec conviction le "Cahier". On l'écoute en retenant son souffle et en se demandant comment ce silence de grande qualité qu'il installe pourra durer jusqu'au bout d'un texte de plusieurs dizaines de pages...
Et puis, soudain, David Valère cesse sa récitation, vient se planter dans la salle et commence à parler de lui, de la "négritude", de Césaire, de la Martinique colonisée et de l'humaine condition.
"Des hommes debout" n'est donc pas la simple paraphrase d'un grand poème mais un hommage inspiré, créatif, à un grand texte fondateur pour des milliers d'hommes et de femmes qui étaient encore sans voix depuis qu'ils étaient sans chaînes.
Avec un talent impressionnant, à la fois bateleur d'estrade et récitant au souffle puissant, David Valère tient en haleine de bout en bout avec "Des hommes debout".
Pas question de ne voir ici qu'un homme noir seul dans le noir, un métis à mi-chemin entre la bien-pensance d'Obama et les outrances de Dieudonné, un show-man qui joue parfois, mais sans se brûler, sur les stéréotypes racistes attendus ou combattus, de l'homme-singe à la tête-de-nègre.
C'est un véritable spectacle total enchâssé dans les ambiances sonores créatives de Graham Broomfield, les jeux de contrastes des lumières de Patrick Aellen, qui est proposé.
On appréciera l'adaptation du "Cahier" de Césaire par Stéphane Michaud et l'on saluera encore et encore la prestation de David Valère qui restitue sans jamais l'usurper la grandeur de la langue d'Aimé Césaire, cette langue française incomparable riche de toute une violence éruptive que le temps n'apaise pas mais rend plus belle, plus tenace, plus nécessaire. |