Sauvage Records, label qui héberge déjà Maison Neuve ou Mina Tindle, persévère avec De La Jolie Musique dans son travail de défricheur pop comme jadis Le Village Vert ou Lithium.
Parfois, on a juste envie d'écouter la même chanson en boucle. Chaque écoute procure le même plaisir. On ne se lasse pas d'une chanson trouvée sur YouTube au hasard des déambulations numériques, dont le clip revient et revient sur l'écran de l'ordinateur alors que la nuit est déjà tombée depuis longtemps. C'est ce qui arrive avec "Plein soleil", par De La Jolie Musique. Le groupe parisien existe depuis plusieurs années. On les a vu faire des premières parties avec des formations différentes, en fanfare pop d'une douzaine de musiciens ou en formation plus réduite derrière un orgue Hammond. Erwann Corré, chanteur, compositeur, multi-instrumentiste avait la barbe bien fournie ou taillée élégamment. Avec le recul, on comprend qu'il cherchait alors la recette pour ce premier album, Mémoire Tropicale.
Dès les premières secondes de cet album inclassable par ses influences riches et diverses, mais définitivement pop, l'auditeur se retrouve emmené en voyage. Ce disque n'est pas, malgré le nom du groupe, un album qu'on laisse défiler en fond sonore pour habiller le silence, c'est une invitation à errer de plage en plage, d'ambiances lo-fi, folk synth-pop et surtout seventies avec ses arrangements riches et soignées. A la ballade par chaleur moite le long d'une plage déserte un jour de ciel gris, succède la soirée un peu fausse où tout le monde donne le change en feignant de s'amuser et en cachant son spleen derrière une consommation excessive d'alcool. La nuit un peu poisseuse sous la moustiquaire, le petit matin frais, les histoires d'amour le long de la route et les séparations. Et un vague ennui aussi, composant essentiel du voyage. Rarement album n'aura trouvé un titre autant en accord avec les ambiances variées qu'il diffuse à chaque écoute.
Mémoire Tropicale, malgré ses références (ou plutôt les réminiscences chez l'auditeur en fonction de sa propre histoire musicale), qui vont de Michel Legrand à Elli & Jacno, de Christophe aux Little Rabbits, de Gainsbourg à Jean-Claude Borelly, de Sébastien Tellier à La Oreja de Van Gogh, de Manset aux Tindersticks, reste en plus diablement cohérent. Le travail de Raphaël Ankierman à la production n'est pas étranger à ce petit miracle, ni la cohésion de l'ensemble des musiciens qui entourent le chanteur-compositeur. Les chansons d'Erwann Corré n'ont rien du copier-coller de toutes ces références, mais sont le fruit évident d'une culture musicale riche, comprise, digérée. On peut alors admirer un savoir-faire d'artisan, une écriture délicate, au service d'un des albums les plus aboutis de la fin de l'année 2013 dans lequel aucune chanson n'est le fruit du hasard. |