La bête, la bèèèèèète (grosse voix), la baïte ! Catherine Hemany-Vieille a tapé dans le mille : La bête. LA BèèèèèèèèèèèèTTEEEEEE… Ok j’arrête. Mais quand même, si on vous dit "La bête", vous aussi vous pensez à la Baïte du Gévaudan ? Cette espèce de croisement loup-chien mangeur de bonnes âmes dans la Lozère des années 17 et quelques ?

Bien sûr, Catherine (tu permets que je t’appelle Catherine ? Merci !) n’est pas la première à se pencher sur le phénomène, évidemment. Mais elle le fait d’un autre angle, et puis après tout, puisque la frontière entre la légende et la réalité est assez floue maintenant, tout est permis, n’est-ce pas Catherine ?

Catherine était familière des romans frous-frous, avec crinolines et baldaquins sur la tête, des Marquises-Antoinette et de la royauté française à perruques. Mais elle est également brillante avec des thèmes historiques romancés venus d’un peu partout dans l’histoire. Pour La bête, elle choisit Antoine Chastel (un vrai monsieur) pour héros solitaire, et la cryptozoologie comme discipline.

Catherine ! Catherine ! Tu aurais pu réinventer le Nessie du Loch Ness, attraper l’adorâble homme des neiges (ah non, ce mystère là est résolu : c’est Chewbacca), ou bien identifier la vilaine baleine qui mangea Pinocchio tout cru… Mais non, tu as choisis la bête du Gévaudan. Et tu as bien fait !

Le roman est court, certes, mais il n’en est pas moins ingénieux (et non, ne cherchez pas, je ne vous donnerai pas sa théorie, à laquelle je n’avais pas songé, mais ceux qui se sont posé la question y avaient déjà pensé, of course !). Oui mais quand même, Catherine ne se contente pas de pondre une théorie : "tiens, la voilà ta bête, en fait c’est un crocodile", ou bien "tiens, un pervers du coin".

Et si tu avais ajouté la dimension "règlement de compte", chère Catherine ? Parce que si vous arrivez à dénicher un autochtone de l’époque (non, ça ne court pas les rues, mais un descendant, si, j’en ai un sous la main si vous voulez). Bref, si vous dénichez un "connaisseur", il vous connaîtra forcément un ancien cousin du voisin de la cousine qui en a profité pour buter le copain du facteur du village voisin, maquillé tout ça vite fait bien fait, et le tour est joué !

Oh combien j’aurai aimé lire cette histoire avec les voisins qui en profitent pour tuer les gêneurs… Mais non. A la place, vous aurez de magnifiques plongées dans le Gévaudan, dans ses forêts profondes et pas forcément accueillantes. En même temps, à moi d’y placer d’autres protagonistes et d’en faire ce que je veux. Tant qu’à explorer l’animalité des hommes par delà leurs pulsions, autant y aller jusqu’au bout !

Oui, c’est un bon bouquin, une tranche à croquer au coin du feu (éviter le clair de lune, sauf si vous voulez aiguiser votre ouïe, ce n’est pas croyable ce qu’une maison peu ressembler à un animal quand la lune est pleine). Je ne m’attendais pas à ça, et j’aurai voulu en avoir plus (comme d’habitude), mais La bête (et Catherine, enfin, surtout Catherine !) vous ouvrira la porte du mal, vous aurez la vision de ce que la vengeance (ou la tristesse) permet d’accomplir.