Planningtorock (dit P2R) s’est fait une solide réputation en participant à une pléiade de projets parmi lesquels quelques show en "back to back" avec Olof Dreijer, une collection de remix pour le groupe de ce dernier (The Knife), ainsi qu’une remarquable participation en tant qu’instrumentalisme sur le projet Tomorrow In A Year (toujours avec The Knife) pour le collectif Hotel Pro Forma.
Et si celle qui va maintenant par le nom de Jam (pour dénoncer le déterminisme des genres à travers les noms) sort son troisième album en l’intitulant All Love’s Legal, c’est que l’artiste électronique et multi-instrumentaliste est bien décidée à politiser son message.
Déjà l’année dernière, à l’occasion d’un énième remix pour The Knife, P2R s’acharnait à détourner le titre "Full Of Fire" en se focalisant uniquement sur les lyrics "Let’s talk about gender baby, let’s talk about you and me". Un sujet qui se fera le leitmotiv de tout l’album.
Et dès le premier single "Human Drama", elle affirmait de sa voix asexuée "Gender’s just a lie" sur un beat qui empruntait autant à l’électro qu’à sa formation plus classique et qui rappellera sur les grandes lignes, les productions spacieuses d’un Son Lux. Espace que l’on retrouvera exploité avec lyrisme et poésie, à grand renforts de corde, sur le titre éponyme "All Love’s Legal".
"Patriarchy Over & Out" s’inscrira dans la même logique - un esprit plus dansant en prime - et utilisera, sans aucune honte, un rythme disco alors qu’elle condamne la domination du patriarcat ("patriarchal law, step aside, get out the way").
Plus loin, elle va jusqu’à reprendre la phrase de The Knife, "Let’s Talk About Gender Baby" pour en faire un titre à part entière et qui devient dans sa bouche une sorte de mantra, sur une production apte à rappeler à certaines oreilles, les notes clés du "Daddy Cool" de Boney M. Et tout comme le troisième single de son album W sorti en 2011, ("Living It Out"), Planningtorock nous offre avec ce titre la pleine mesure de son talent, entre message important et invitation à la danse.
Mais il serait injuste de ne réduire l’artiste qu’à des productions facile d’accès, puisqu’étant une habituée des milieux underground de Berlin. En effet, P2R possède toute une part d’ombre, jouant gracieusement sur des boucles et des rythmes synthétiques débridés, à faire pâlir d’envie Daniel Avery. Même l’halluciné "Misogyny Drop Dead" et sa techno boitillante, n’arrive pas à la cheville des productions les plus déjantées de l’album, comme "Beyond Binary Binds" qui réduit et dénonce la définition du genre et des sexes à un simple code binaire.
"You can fall in love with whoever you want” annonce-t-elle au détour d’une chanson, mais vous êtes surtout libre d’être ce que vous êtes, hurle-t-elle tout le long de l’album. Inscrivant, avec un mouvement plein de classe et d’originalité, All Love’s Legal (et sa collection hétéroclite de productions), au niveau d’un véritable manifeste pour l’égalité. |