Comédie dramatique de Asja Srnec Todorović, mise en scène de Dominique Dolmieu, avec Nouche Jouglet-Marcus, Aurélie Morel, Christophe Sigognault et Federico Uguccioni.
Monté par Dominique Dolmieu dans la petite salle du Théâtre national de Syldavie sis dans la Maison d'Europe et d'Orient qu'il dirige, "Respire !" s'avère une véritable pépite à plus d'un titre.
En effet, en premier lieu, il permet de découvrir le théâtre de l'Europe du Sud avec un opus percutant de la dramaturge contemporaine croate, également écrivaine, scénariste et cinéaste, Asja Srnec Todorović, dont la plume n'est pas sans évoquer, à l'exception de la dimension mystique, et ce à travers la traduction de Mireille Robin, celle de l'auteur israélien Hanokh Levin.
Et ce, tant au fond, parce qu'elle travaille sur la "pâte" humaine et la quête du sens de la vie, en l'occurrence, à travers l'événement ultime qu'est la mort, qu'en la forme, avec une écriture qui emprunte au quotidien ce qu'il a d'ordinaire comme de trivial et en maniant aussi bien l'humour ravageur que la tragique lucidité.
Ensuite, parce que Dominique Dolmieu pratique un vrai "théâtre pauvre", sans décor, quelques accessoires de récupération, et trois projecteurs, qui suffisent à Tanguy Gauchet pour réaliser un fantastique travail de lumières d'autant plus essentiel pour créer l'espace indéterminé propre à cerner l'univers incertain et déroutant qui résulte de la partition et dans lequel l'inquiétante étrangeté du quotidien se télescope avec l'évocation de l'horreur des turpitudes immémoriales.
Enfin, Dominique Dolmieu puise dans tous les registres pour mettre en scène de manière époustouflante la partition constituée de courtes scènes à un, deux ou trois personnages non identifiés, qui sont autant de déclinaisons loufoques, cocasses, tragi-comiques, pathétiques ou effroyables sur le thème de la mort pour lesquelles l'injonction-conseil "Respire !" pourrait se lire "Nique la mort !". Se moquer de la mort pour trouver le courage de vivre encore.
En bi-frontal, dans un exigu espace scénique réduit à un large couloir plongé dans la pénombre, métaphore du fameux tunnel spatio-temporel décrit par les rescapés de la mort imminente, quatre personnages de clowns tragiques - un homme en costume rayé de mafioso (Christophe Sigognault), une femme vêtue d'un vilain tailleur fripé avec un faux col en fourrure (Nouche Jouglet-Marcus), une jeune fille jupe plissée et tennis (Aurélie Morel) et un jeune homme en jean et sweat-shirt à capuches (Federico Uguccioni) - vont se colleter de manière aussi inattendue qu'inexorable avec la mort.
Du doute de l'human bomb à la dernière visite dans la maison de retraite, de la singulière initiation de la nièce par son oncle à la file indienne où chacun se dévêt pour s'engouffrer dans l'obscurité du néant génocidaire, de l'auto-prédiction de la voyante qui lit l'avenir dans l'eau du bocal de son poisson rouge à la carte-vidéo d'anniversaire faisant office de faire-part de la mort de son expéditeur suicidaire, cet oratorio sur la mort dans tous ses états, la mort donnée, redoutée ou subie, est dispensé sans effets ni artifice de jeu par un quartet épatant.
Une réussite. Une pépite. A voir absolument. |