Comédie dramatique de Sedef Ecer, mise en scène de Thomas Bellorini, avec Seef Ecer, Lou de Laâge, Anahita Gohari et Adrien Noblet.
Tamar et Azad ne rêvent que d’une chose : quitter leur bidonville en Turquie à la périphérie de la ville. Ils voient le monde à travers la fée télévision personnifiée par Sultane, l’animatrice d’une émission qui exauce les voeux des téléspectateurs en direct. Azad, le premier, ira à Paris mais dans des conditions bien autres que celles dont ils ont rêvé…
Avant eux, Dilcha et Bilo, leurs parents, ont quitté la campagne pour venir s’installer sur la colline des anges et des djinns, de l’autre côté du périphérique. Ils racontent la vie au quotidien et la rencontre avec Kybélée la gitane.
"A la périphérie" sous des allures de fable, raconte la dure réalité et la difficulté d’intégration pour qui vient de la misère. De la périphérie turque à la périphérie parisienne, on reste à la même place. Il est impossible de résister à la ville tentaculaire et carnivore qui apporte les usines, la publicité, la télé pour seuls présents. La pièce montre pourtant dans ce bidonville un monde chaleureux et autrement plus solidaire.
Thomas Bellorini donne à entendre de belle façon la pièce de Sedef Ecer, essentiellement composée d’une suite de monologues de durée variables, et crée tout autour une atmosphère de magie, bien relayée par la musique jouée en live par Céline Ottria et la polyphonie des comédiens.
Il parvient à traduire la montée en puissance du texte par une mise en scène légère et ludique qui offre de vrais morceaux d’anthologie comme les chansons ou la fin du spectacle qui prend aux tripes.
Spectacle choral dotée d’une distribution épatante, "A la périphérie" est une peinture festive et colorée, véritable bulle de tendresse dans une réalité grave et déprimante.
C’est Sedef Ecer qui joue le rôle de Sultane avec une affectation parfaite. Anahita Gohari et Christian Pascale montrent humanité et dignité dans le rôle des parents. Zsuzsanna Varkonyi (Kybélée) impressionne de son charisme et de sa profondeur ; toutes ses chansons touchent au cœur.
Tandis que perchée en haut du décor (c’est elle la vraie fée), Céline Ottria accompagne tout le spectacle avec générosité. Adrien Noblet est un Azad plus vrai que nature à la fois courageux et naïf. Il montre un beau tempérament et compose un personnage attachant et drôle.
Enfin il y a Lou de Laâge qui, spectacle après spectacle, révèle une nouvelle facette de son talent et prouve qu’elle est une des comédiennes les plus douées de sa génération.
Sa version de "La vie en rose" est certainement la plus bouleversante qu’on ait pu entendre. Illuminant le spectacle de sa grâce et de sa flamme, elle compose une Tamar déchirante et inoubliable.
Spectacle musical, spectacle authentique qui touche juste, "A la périphérie" est un plaidoyer éloquent pour le quart-monde qu’il faut absolument aller découvrir. |