Monologue dramatique écrit et interprété par Philippe Honoré dans une mise en scène de Edith Vernes.
Metteur en scène, romancier et auteur-adaptateur attitré de la Compagnie Philippe Person pour laquelle il a récemment signé "Les Maupassant(es)" et "Les Enfants du Paradis", Philippe Honoré saute le pas en s'exposant pour la première fois sous les feux de la rampe.
Pour ce baptême du feu théâtral, qui le révèle comédien inspiré, il s'est composé une partition sur mesure en forme de monologue tragi-comique qui tisse avec subtilité humour, noir et rose, (auto)dérision, loufoquerie et émotion sur le thème de l'amour maternel.
C'est en entendant la formule consacrée "Je dois tout à ma mère" qu'un quadragénaire ordinaire et banal, archétype du "fils à sa maman" dont la vie a été déterminée par l'amour possessif, tyrannique et castrateur d'une mère envahissante, prend subitement conscience de l'impérieuse nécessité de "tuer la mère".
Mais non de manière symbolique, dans l'acception psychanalytique des termes, en vue d'un travail sur soi pour liquider l'Oedipe et s'affranchir de la coupe parentale pour devenir enfin un adulte mais au pied de la lettre car résultant d'une véritable pulsion matricide qui se résume en trois mots : "buter ma mère".
Car bien que mère juive algéroise, la maman de l'anti-héros (autofictionnel ?) de Philippe Honoré ne s'épanche pas dans l''apologie aveugle de son rejeton. Au contraire, elle l'abreuve depuis sa plus tendre enfance d'indélicates remarques par lui ressenties comme autant de vexations, de rebuffades et d'humiliations.
Et, avec l'âge, elle se complait en lamentos égocentriques en forme de ressassements dépressifs et récriminateurs qui font du déjeuner du dimanche - "dimanche c'est maman" - une véritable épreuve en forme de conflit ouvert.
Toutefois, même s'il s'imagine en gangster en Borsalino ou en caricature de James Bond sur musique de génériques composés par Ennio Morricone pour des films-culte tels "Le clan des siciliens" et "Le parrain", et une fois "libéré", en clubber ou en danseur étoile, le passage à l'acte est difficile pour le "bon pépère" un peu froussard et un poil "chochotte" qui se résout donc à engager un tueur à gages, ce qui est source de jubilatoires péripéties.
Sur plateau nu, sans décor ni accessoire, sous la direction efficace de Edith Vernes qui n'autorise aucun cabotinage et dans une mise en scène fluide pleine de trouvailles gestuelles, la prestation de comédien est épatante.
Empathique et espiègle, Philippe Honoré sert au mieux un texte drolatique qui procède d'une hybridation réussie de différents registres placée sous l'égide d'un roboratif humour noir, et s'offre même le luxe d'un inattendu dénouement. Car il y a mille façons de dire "Maman, je t'aime". |