Concert en un acte conçu par Floriane Bonanni-, mise en scène de Denis Podalydès, avec Michel Robin, Floriane Bonanni, Muriel Ferraro et Emmanuelle Swiercz.
Souvent le monologue "Les Méfaits du tabac" est joué avec d'autres pièces en un acte de Tchekhov comme "L'Ours" ou "La Demande en mariage". Denis Podalydès et Floriane Bonanni ont préféré concevoir un concert-spectacle autour de ce très court texte.
En effet, Ivan Ivanovitch Nioukhine, l'homme qui doit tenir théoriquement une conférence sur le tabac et ses méfaits, est tout de suite présenté par Tchékhov comme "le mari de sa femme, directrice d'une école de musique et d'une pension de jeunes filles". Il est donc tout à fait possible que dans cette école de musique... on fasse de la musique.
Ainsi, c'est à une flânerie musicale que va être convié le spectateur. Une flânerie gentiment paresseuse pendant laquelle, après avoir arrêté les métronomes, Michel Robin va interpréter Nioukhine avec l'allant poétique et la fantaisie ironique qu'on lui connaît.
Dès lors, ce spectacle prétexte à musiques et à mots pourrait s'écouler dans la joliesse d'airs entendus parfaitement en phase avec la prose ciselée du grand dramaturge russe. C'est ce qu'on croit et que l'on craint un peu en écoutant pour commencer une très belle sonate pour piano et violon de Jean-Sébastien Bach, suivie par une "Romance" de Tchaïkovski garantie pure ambiance russe.
Mais Florianne Bonanni, qui a conçu le spectacle et qui officie à l'archet, apporte un réel bémol au climat ouaté en interprétant la "Sequenza VIII" pour violon de Luciano Berio.
Outre que le choix de ce musicien moins consensuel est osé, il contribue à donner au spectacle une véritable étrangeté que Michel Robin se fait un malin plaisir à entretenir quand la musique le contraint à l'inaction. Voilà une conférence qui n'aura jamais lieu, avec des musiques qui peuvent paraître improbables, mais qui colorent agréablement cette heure en suspension.
On soulignera la grande qualité de la partie musicale, avec Floriane Bonanni au violon, Emmanuelle Swiercz au piano et la soprano Muriel Ferraro. Trois femmes pour un homme de cœur qu'on sera heureux de voir mis en avant, même s'il joue de toute sa modestie pour faire oublier que, pour une fois, il a la vedette.
Le plaisir de voir Michel Robin sur scène n'a pas beaucoup d'équivalent. Surtout quand il est ici dans le bel écrin conçu par Denis Podalydès avec la complicité pour la scénographie de Delphine Saint Marie et de Christian Lacroix pour les costumes.
"Les méfaits du tabac" est un spectacle qui a tout le charme fugace d'une bulle de savon théâtrale. |