Le jaune de Belle & Sebastian comporte toute cette large palette de couleurs, et ce nouvel album Dear catastrophe waitress épouse parfaitement les changements d’humeur de la couleur.
Dear… c’est d’abord un album qui remet à jour notre réticence pour le groupe. Voués à l’idolâtrie depuis les albums Tigermilk et If you’re feeling sinister , les écossais de Belle and Sebastian flânaient dans la redite, avec des albums décevants, non pas qu’ils soient mauvais, mais plutôt qu’ils ne contenaient qu’un faible pouvoir de surprise.
Avec la bande originale du film de Todd Solondz, Storytelling (une bande originale déniée par son propre film, qui n’acquiert son statut que par l’acharnement du groupe à l’ancrer dans l’art cinématographique), le groupe avait produit son album best of, sa transition, assumant pleinement son passé. Alors qu’on attendait plus grand chose de Belle & Sebastian, l’annonce de la collaboration avec Trevor Horn (Frankie Goes To Hollywood, TaTu) prêtait au sourire moqueur.
Le côté rassurant de l’album se trouve déjà
dans son visuel et son vocabulaire. Dans l’art graphique, rien ne change,
et pour ce qui est de l’art poétique, on voyage toujours dans un
romantisme décalé, humoristique (Dear Catastrophe
Waitress) ou plus sérieux ("If you find yourself
caught in love").
Les thèmes récurrents sont présents: la déclaration
d’amour, quasi biblique à travers la métaphore de la prière,
le sommeil qui permet le rêve et la réalisation de l’amour
platonique.
Oscillant entre morceaux classiques (le remarquable et hilarant "Dear catastrophe waitress" ; "Piazza, New York Catcher" prononcé telle une lettre lue, sans refrain ; "Asleep on a sunbeam") et morceaux innovants ("Step into my office, baby" ; "I’m a cuckoo" ; "You don’t send me" ; "Wrapped up in books" avec ses guitares sombres ; "If you find yourself caught in love" et "Roy walker", approchant les rythmes disco des Bee Gees ; "Stay Loose"), Belle & Sebastian trouve le moyen, grâce aux arrangements malicieux mais discrets de Trevor Horn, de sortir de la routine. L’usage des cordes est accentué, et les rythmes de batteries sont plus osés. On ressent moins le travail de l’artisan qui officiait sur les premiers album. Sur "If she wants me", on croirait même entendre Prince s’étant initié à la chanson intimiste.
Cependant, et paradoxalement, quand Belle & Sebastian sort de son carcan traditionnel, l’auditeur tourne l’oreille. C’est le cas pour "Stay Loose", pour les trompettes quasi ridicules de "You don’t send me" (on se croirait dans la croisière s’amuse !), pour l’intro kitchounette de "Lord Anthony" (qui ne retire en rien la beauté de cette chanson), sur les alternances agaçantes de "Roy Walker", entre intro disco, solos de guitares et chœurs trop présents, solos de trompettes… Bref, sur toutes les chansons nouvelles, on trouve quelque chose à redire…
Peut-être est-ce parce que Belle & Sebastian ne prend pas le virage de manière assez sèche, et ne s’engage pas franchement dans une direction. Voulant ordonner un groupe se proclamant volontiers et volontairement brouillon (le côté artisanal), Trevor Horn lui retire sa substance principale. Voulant rester brouillon, et réutiliser les méthodes de ses anciens albums, Belle & Sebastian est pris en flagrant délit de tentative d’évolution.
L’album n’en est pas pour autant mauvais, et il s’écoute
même avec un plaisir renouvelé.