Réalisé par Mariana Rondón. Vénézuela. Drame. 1h33. (Sortie 2 avril 2014). Avec Samuel Lange et Samantha Castillo.
Qu'aurait pensé le camarade Hugo Chavez de "Pelo Malo" ? Y aurait-il vu une critique virulente de sa révolution "bolivarienne" et le constat de son échec ?
Aurait-il pensé que Mariana Rondón était une cinéaste à la solde des puissants intérêts privés qui l'empêchait de mener le Vénézuela sur la voie de la justice et de l'égalité ?
On ne peut que se poser ces questions devant ce film vraiment réussi et vraiment désespérant où l'on suit d'un oeil l'histoire pendant que l'autre s'intéresse au contexte dans laquelle elle se déroule. Le Vénézuela qui y est décrit est en effet un pays d'une extrême pauvreté avec des tensions sociales très vives.
Mariana Rondón raconte comment Junior, 9 ans, refuse que sa mère, Marta, qui l'élève seule avec son frère de 2 ans dans une banlieue sordide de Caracas, lui lisse ou lui coupe ses cheveux rebelles. Une mère à la recherche du travail de vigile qu'elle a perdu sans doute après avoir commis une bavure...
Pendant qu'elle tente, par tous les moyens, de revêtir de nouveau son uniforme et de récupérer son arme de service, Junior est laissé à lui-même dans un environnement de banlieue pauvre, avec désoeuvrés et peut-être même prédateurs avides de jeunes garçons aux cheveux rebelles...
Dans "Pelo Melo", Mariana Rondón décrit avec soin le contexte de la vie-survie des Vénézuéliens pauvres, pas du tout en contact avec l'utopie promise, sauf quand on entend lointainement, en bruit sonore, un discours chaviste à la télé.
Mais elle s'attache aussi à l'histoire de Junior, à cette enfance entre découverte de la dureté de la vie et de ses sales côtés (quand il voit que sa mère doit payer de son corps sa "réintégration"), et quand même de ses moments de gaieté avec sa grand-mère ou sa petite copine.
Tout le film baigne dans l'ambiance d'une chanson guimauve pleine d'allégresse, "Mi lemon, Mi Limonero", contrepoint sucré mais terriblement important pour Junior face à Marta, cette mère sans tendresse que l'on pourrait qualifier de "macha" et qui craint par-dessus tout que cet accès de fixation sur sa belle chevelure soit les prémisses d'une possible homosexualité.
Film dur décrivant une société dure, où l'amour manque autant que l'argent, "Pelo Malo" de Mariana Rondón est un beau portrait d'enfant, dont on admirera la détermination et dont on n'aimera pas vraiment le sort final que l'on craignait pour lui depuis belle lurette.
Qu'on ne s'y méprenne pas, "Pelo Malo" n'est pas qu'un des premiers films vénézuéliens distribués en France et qu'un témoignage sur un pays plus fantasmé que connu. C'est aussi un grand film sur l'enfance et l'on gardera longtemps en mémoire le souvenir de Samuel Lange, ce petit bonhomme bientôt condamné à être un homme. |