Drame historique de Fritz Hochwälder, mise en scène de Loïc Gautelier, avec Damien Carlot, Jacques Duval, Julien Carpentier, Djahiz Gil, Yves Jouffroy, Jean-Pierre de Lavarene, Silvio Lopez, Alfred Luciani, Gustavo Meza, Jean-Dominique Peltier, Alain Prétin, Alain Piacentino, Hadi Rassi, Philippe Renom, Bernard Sender et Guillaume Tavi.
Nonobstant un titre connoté par sa référence à la prière chrétienne du Pater Noster, "Sur la terre comme au ciel", la pièce du dramaturge allemand Fritz Hochwälder, qui a accédé à la notoriété internationale pour avoir été portée à l'écran sous le titre "Mission", film de Roland Joffé récompensé par la Palme d'or au Festival de Cannes 1986, n'est pas une partition qui traite de dévotion ou de doctrine religieuse.
En effet, elle est basée sur un événement réel qui s'inscrit dans l'Histoire de la colonisation et constitue l'argument d'une réflexion sur l'omnipotence du pouvoir temporel, l'intérêt supérieur de la Nation ou en l'occurrence du roi, et du pouvoir spirituel, apanage de l'Eglise "officielle", dont les préoccupations tiennent moins au bonheur du peuple et de l'homme qu'à des considérations politiques sectaires.
La pièce se penche sur l'épilogue de plus d'un siècle d'histoire des missions jésuites avec l'expulsion des réductions implantées au Paraguay, alors colonie espagnole, avec la "bénédiction" du roi d'Espagne qui leur a accordé des privilèges pour les inciter à user de leur expérience de l'évangélisation des "païens" comme moyen de pacification "douce" des tribus natives se substituant à l'affrontement violent par la force et les armes.
En 1763, les missions jésuites forment des enclaves indépendantes dotées d'une armée défensive formant un véritable état théocratique et qui fonctionnent sur le modèle d'un socialisme utopique réussi grâce à une autonomie économique liée à l'exportation de produits agricoles et artisanaux.
Mais une mission d'enquête est diligentée par le roi pour instruire les accusations et suspicions qui pèsent à charge sur ces missions, à savoir la plainte pour concurrence déloyale déposée par les colons dès lors que celles-ci sont exemptées d'impôt et, d'autre part, débauchent leur main d'oeuvre et la rumeur d'exploitation frauduleuse et illicite de mines d'argent tendant à un enrichissement illicite de l'Ordre des Jésuites au détriment des caisses royales, auxquelles s'ajoute le courroux du Pape face à ce "bonheur" terrestre qui s'oppose à la doctrine officielle relative à la promesse du paradis posthume.
Et tout commence avec la venue de cet émissaire qui connaît le vrai but de sa mission mais qui connaît également le père provincial qui dirige les missions, ce qui ne lui facilite pas la tâche.
Cette partition est d'autant plus intéressante que, centrée sur l'humain, elle s'articule autour du ressort dramatique du cas de conscience, celui auquel va se trouver confronté le père provincial, dont la genèse charpente la trame dramaturgique, et, qu'en outre, elle comporte un double coup de théâtre avec la scène de l'entretien secret et l'intervention d'un mystérieux personnage.
Loïc Gautelier signe une mise en scène classique sans effets scéniques, et assure efficacement la direction d'une troupe conséquente de comédiens, chacun portant son personnage avec conviction et justesse de jeu.
Mention spéciale à Alain Prétin et Bernard Sender, tous deux excellents. Dans le rôle de l'émissaire royal, Alain Prétin témoigne parfaitement du malaise intérieur qui assaille le personnage dans l'exécution d'une mission inique.
Quant à Bernard Sender, il incarne avec une profonde humanité le père provincial dans la sidération qui l'accable à la révélation tant de l'ordre du monde que de l'instrumentalisation dont furent l'objet ses frères missionnaires, dans l'insoluble dilemme dans lequel il est plongé du fait d'un abominable chantage qui s'avèrera un marché de dupes et les souffrances d'une âme contrainte entre sa conscience et le respect du voeu d'obéissance. |