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Bouffon Théâtre  (Paris)  avril 2014

Comédie dramatique d'après l'oeuvre de Anton Tchekhov, mise en scène de Philippe Nicaud, avec Christèle Billault, Céline Spang, Fabrice Merlo, Philippe Nicaud et Bernard Starck.

"Vania" mis en scène par Philippe Nicaud c'est bien évidemment la partition de "Oncle Vania" de Tchekhov mais expurgée du folklore russe, de la traditionnelle métaphore de la fin d'un monde, de la mélancolie de l'âme slave et des scènes de genre de la vie de campagne qui versent dans l'anecdotisation.

Recentrée autour des cinq principaux protagonistes, l'adaptation de Philippe Nicaud substituent aux personnages archétypaux de théâtre qui débitent des répliques des hommes et des femmes de chair et de sang qui se dévoilent et livrent leur vérité de manière violente et vitale. Car il y va de leur vie et, en l'occurrence, ils sont arrivés à un point de non-retour qui les confronte à leur tragédie personnelle.

Privilégiant une efficiente dramaturgie du corps, ce corps dans lequel se collettent l'organique et l'émotionnel et se manifestent des forces contradictoires souvent irrésolues, Philippe Nicaud met en scène de manière inspirée et terriblement efficace ce quadrille des vies ratées formés par deux couples en miroir : Elena et le docteur Astrov renonçant à un amour partagé, Sonia et son oncle Vania devant faire le deuil d'un amour refusé.

Tout se noue et se dénoue en une nuit orageuse, qui conduit à l'irrévocable, à la résignation et à la solitude de l'âme, un mois après l'arrivée du professeur Sérébriakov et de sa seconde et jeune épouse Elena.

Sa pension de fonctionnaire à la retraite ne lui permettant plus de vivre à la capitale, il a décidé d'élire domicile dans la propriété foncière de sa défunte première épouse dont l'exploitation est assurée par sa fille Sonia et son beau-frère Vania qui lui en reverse l'intégralité des revenus.

Car le professeur était "le grand homme" de la famille auréolé du prestige de l'intellectuel. Mais la baudruche s'est dégonflée découvrant un homme petit, sans talent ni mérité, vieillard cacochyme et égocentrique absolu doublé d'un tyran domestique dont Bernard Starck campe parfaitement l'obséquieuse densité monolithique.

Après la sidération, cette "révélation", qui réduit à néant leur engagement et leur choix de vie basés sur un aveuglement, une illusion, une méprise, a plongé ses victimes dans le désarroi alors même qu'elles doivent affronter les tourments de l'amour.

Sonia, jeune fille courageuse et dévouée sans charme ni beauté, figure poignante parfaitement cernée par Christèle Billault, est amoureuse du médecin du district, le docteur Astrov, un amour dont elle doute qu'il soit réciproque mais dont la confirmation va d'autant plus l'anéantir qu'il lui reste toute une vie à vivre avec cette douleur.

Vania, accablé, ne cesse de ruminer sur l'absurdité d'une jeunesse sacrifiée, flouée et perdue pour avoir travaillé pour le bien-être d'un autre et fulmine sur une vie ratée, ratée comme il a raté le coche du bonheur en ne demandant pas en mariage Elena, un bonheur qu'il s'était refusé, ratée comme il ratera le meurtre de son beau-frère, ratée comme il ratera son suicide.

Fabrice Merlo est saisissant dans l'incarnation de ce Vania traqué par une détresse sans issue qui le mue en bête aux abois et qui tente, avec son visage de clown triste qui se fabrique un nez rouge de clown avec la coque rouge d'un mini Babybel, de traiter par l'absurde ce qui ressort à la désespérance fatale.

Tout autant abusée pour avoir pris pour amour véritable ce qui n'était qu'éblouissement, Elena prend également la mesure des conséquences de cette méprise au regard de sa vie sentimentale et sexuelle face à l'amour et au désir explicite de deux hommes sans toutefois pouvoir se résoudre à franchir le pas.

Céline Spang maîtrise totalement cette partition, non exempte d'ambiguïté par sa composante de catalyseur dévastateur pour son entourage, fondée sur un constat de vacuité de son existence et un fatalisme suicidaire ("Il n'y a pas de bonheur pour moi dans ce monde").

Quant au docteur Astrov, lucide au regard de son état, celle d'homme qui a vieilli, qui s'est perdu avec le temps qui émousse les idéaux et les sentiments, et qui se console dans l'auto-destruction par l'alcool et dans le désenchantement ("Je ne désire rien, je n'ai besoin de rien, je n'aime personne"), il est subitement tiré de sa torpeur par la beauté et la sensualité d'Elena qui réveille son aspiration au bonheur.

Philippe Nicaud incarne parfaitement les tensions et pulsions d'un homme dans sa maturité alors que tout pourrait encore être possible.

Soutenue par une dramaturgie scénique engagée sur un syncrétisme réussi entre l'organique et l'émotionnel et une interprétation émérite, la proposition de Philippe Nicaud qui, par une analogie picturale, ne fait pas dans l'impressionnisme mais dans l'expressionnisme, rend compte du bouillonnement des passions et parvient à faire re-découvrir - ce qui n'est pas la moindre de ses vertus - un opus tchekhovien considéré comme la tragédie des amours invécus, de la solitude et de la stérilité.

Et il est difficile de résister à la charge sensible dispensée par le "lamento" de Sonia exaltant le renoncement accepté et la résignation stoïque ressortissant à la condition humaine qui clôt ce très réussi "Vania" noir et douloureux.

 

MM         
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