En 16 années l'industrie de la musique à clairement évolué. Depuis les méthodes de production et de consommation, jusqu'à la façon de vivre et d'entendre la musique. Après un hiatus aussi long, d'aucun aurait pu avancer qu'une artiste à la renommée mondiale, telle que Neneh Cherry, n'était plus en adéquation avec l'univers de la musique.
Eh bien détrompez-vous, si son retour s'effectue par la petite porte, l'album Blank Project n'en demeure pas moins un géant qui possède tous les atouts pour marquer l'année et replacer l'interprète de "Raw Like Sushi" au centre de l'échiquier.
Aussi épuré qu'efficace, Blank Project s'offre le luxe d'une course de fond dont le point de départ serait le free jazz si précieux à la famille Cherry. Etant entendu qu'avec presque 16 années de silence total, l'artiste n'en a pour autant pas été complétement inactive, en témoigne le curieux projet de The Cherry Thing un brin expérimental.
Et c'est de ce côté que la suédoise réapparait, épaulée pour l'occasion de l'infatigable Four Tet. Ensemble, ils ont façonné des beats dépouillés, sur lesquels prédomine la voix de la chanteuse, évidemment, mais aussi des lignes de basses. Ces dernières auront même un rôle de tout premier plan, comme un fil narratif qui guidera l'oreille tout du long de ce Blank Project.
Malgré une évidente volonté visant à garder les productions le plus dépouillées possible, les sons sont étranges et répondent à des constructions mélodiques typiques à Four Tet. Et il faut bien reconnaître que la voix de la chanteuse fait des merveilles sur ses curieux beats (le bien nommé "Naked" ou le lugubre "Spit Three Times") et réussit à imprimer efficacement une sensation d'urgence. Plus déroutant encore, l'album flirtera avec plusieurs ambiances, sans jamais véritablement les épouser. En témoigne la collaboration avec Robyn ("Out Of The Black") qui sans être un véritable titre pop, propre à faire danser, n'en demeure pas moins forte d'une rythmique propice aux déhanchements.
En même temps, un rapide regard sur la discographie de l'artiste (et surtout sur les albums des années 90's) prouvera sans aucun doute que cette dernière s'est régulièrement frottée à une multitude de genres sans jamais complètement les épouser, forçant les fans et les journalistes à la minimaliser à la case trip-hop. Et c'est peut-être ici encore la faiblesse principale de l'opus : une grande diversité capable d'égarer les oreilles des premiers venus, quand ceux qui pousseront l'écoute plus loin, découvriront l'existence d'un équilibre tendu sur le fil liant la jouissance énergique d'un "Weightless" aux libérateurs "Dossier" et "Cynical", titres parachevant la qualité de ce come-back avec panache. |