Monologue dramatique d'après le roman éponyme de Annie Ernaux, dit par Marie Matheron dans une mise en scène de Jeanne Champagne.
Une femme soliloque en se remémorant l'année de sa vie inféodée à une liaison "back street" et, de surcroît conjoncturelle, avec un homme marié natif d'Europe de l'Est provisoirement installé en France.
Cette relation en pointillé repose sur une imprévisibilité permanente générant une frustration qui enclenche le mécanisme circulaire de la frustration exponentielle qui accroît le désir qui, insatisfait, relance la frustration qui amplifie le désir et génère de la souffrance.
Sa narration, dans laquelle le ressassement émotionnel est primé par un discours analytique, retrace l'évolution temporelle, de la présence à l'absence, puis de l'absence à l'attente et, enfin, de l'attente à la douleur et à la jalousie, est relativement classique et la situation serait banale si la femme n'était un écrivain qui a fait de sa vie son matériau littéraire.
Dès lors le récit de ce qu'elle nomme une passion amoureuse qui l'a exclu de la vie sociale et l'a empêché d'écrire constitue la matière brute dont elle fera un roman. Elle n'écrit pas car elle est en gestation d'écriture.
Et elle décortique le mécanisme de cette aliénation volontaire qui lui échappe parfois et démonte la machinerie de son désir. Quand elle dit qu'elle accumule les signes de la passion pour se convaincre de la réalité de celle-ci, elle procède également à la constitution d'un thésaurus documentaire de première main qui se matérialise par la prise de notes quasiment en temps réel.
Ainsi, la partition résultant de l'adaptation du texte "Passion simple" de Annie Ernaux participe davantage de l'analyse de soi au travers des liens entre le désir et l'écriture et la dissection d'un processus d'écriture que de l'histoire d'une passion incandescente et consomptible dont au demeurant les implications affectives demeurent allusives et les exultations du corps tempérées.
Sous la direction de Jeanne Champagne, Marie Matheron, au jeu imparable de justesse, porte parfaitement la voix d'une auteure dont l'oeuvre se confond avec sa trajectoire autobiographique. |