Comédie satirique écrite et mise en scène par Oscar Castro, avec Sylvie Mique et Oscar Castro.
Dès que deux personnes sont réunies se pose la question de l'organisation sociale et du pouvoir qui implique un gouvernant et un gouverné, soit un dominant et un dominé, avec quasiment le consentement de ce dernier qu'il résulte, au mieux, de la manipulation, au pire de l'oppression.
Postulat indéfectible que, sur lequel repose tout système politique et ce nonobstant le fait que l'homme ne soit pas à court d'imagination pour explorer de nouvelles et utopiques combinaisons démocratiques.
"Et la démocratie, Bordel !" est l'illustration par l'absurde de ce postulat par Oscar Castro qui livre une tragi-comédie satirique qui se penche sur l'impasse politique à laquelle mène toutes les formes d'organisation du pouvoir de la monarchie justifiée de droit divin à la dictature imposée sous couvert de circonstances historiques en passant par la république instituée par volonté du peuple et la faillite révolutionnaire.
Cette pièce de jeunesse, sous double influence berchtienne et becketienne, écrite au début des années 1970 par un Chilien qui a connu les errements politiques et la dictature, a des vertus tant didactiques que philosophiques et vaut mieux que discours et traités. Inutile de s'inscrire à l’École des Hautes Études Politiques : une heure au Théâtre Aleph suffit pour comprendre le monde.
Sous un pont parisien, à côté de la tente d'un inventeur fou nommé Sonajeras qui croit au progrès technique comme solution-miracle, deux clochards vivent de la vente des papiers et cartons ramassés à longueur de journée avec leur petite carriole surnommée "La douloureuse" car elle est bien lourde à tirer. Watusi, le plus malin des deux, persuade le second, Nafle, naïf et crédule qui rêve d'oisiveté et d'argent tout en étant un brin flemmard, d'alterner ce dur labeur en jouant au roi.
Celui qui est roi se reposera pendant que l'autre trimera pour deux. Sauf que Watusi bien évidemment autoproclamé roi en premier refuse de retirer sa couronne. Nafle renacle et initie le cercle infernal dans lequel le peuple est toujours l'opprimé et l'exploité de ceux qui détiennent le pouvoir qu'il soit de fait ou de droit, pris par la force ou acquis par consensus.
Sur le plateau couvert de ce bric et broc de récupération afférente au campement des SDF, Oscar Castro met en scène les trois clowns-bouffons dans un registre qui imbrique la commedia dell'arte à la chilienne, le théâtre absurde russe dissident des années 1930 et le néo-réalisme italien. L'interprétation est au diapason et le rire, souvent jaune, est au rendez-vous.
AnaIs Alric est le savant Cosinus du Pont de l'Alma et Sylvie Miqueu campe avec allant un Watusi sans vergogne. Quant à Oscar Castro, il se distribue tout naturellement dans le rôle de Nafle auquel il apporte sa faconde et son art d'incarner l'humanité dans toute sa fragilité. |