Atelier de théâtre dansé dirigé par Caroline Marcadé, avec Laure Berend, Camille Bernon, Amina Boudjemline, Lucie Boujenah, Sanda Codreanu, Maxime Coggio, Wallerand Denormandie, Morgane Fourcault, Aurélien Gabrielli, Elsa Guedj, Félix Kysyl, Grégoire Lagrange, Guillaume Pottier, Théo Touvet et Chiara Zerlini.
Dans le cadre de l'atelier de danse qu'elle anime au CNSAD, Caroline Marcadé, chorégraphe et metteur en scène, fait travailler les élèves de deuxième année sur un diptyque autour du thème de l'amour.
Après "Les embrassées", spectacle musical et chorégraphique évoquant les déclinaisons de l'amour, du premier émoi à la rupture, elle propose avec "Chants de guerre, Chants d'amour" un focus sur le dilemme auquel sont confrontés les emblématiques amants shakespeariens que sont Roméo et Juliette.
Loin d'être qu'un simple "prétexte", il s'agit d'un motif à l'instar de celui qui existe en musique qui ordonne le thème musical et l'argument repose sur le début de la scène 5 du troisième acte, dite "la scène du rossignol", qui se situe à la fin de la nuit de l'épiphanie des corps, leur première et unique nuit d'amour, quand l'aurore les saisit face à l'inéluctable séparation imposée par le bannissement de Roméo.
"Il faut partir et vivre ou rester et mourir" et la métaphore symbolique des répliques originales sur l'inexorabilité du destin - auxquelles ont été adjointes de brefs extraits du texte "Au-delà des larmes" de Claude Régy sur la mort créatrice - constitue le coeur incandescent d'une véritable partition dramatique que Caroline Marcadé a conçu, avec la collaboration du dramaturge Sébastien Lenglet et le chorégraphe Jean-Marc Hoolbecq.
Cette partition résulte de l'hybridation réussie entre le travail sur les personnages et leurs possibles déclinaisons, de l'inconscience juvénile à la figure tragique - en l'espèce bien incarnées respectivement par Amina Boudjemline et Camille Bernon - et le travail chorégraphique basé sur la danse considérée comme elle l'indique comme "un théâtre silencieux qui agite et déploie le verbe", et donc qui privilégie la dramaturgie du corps, se développant dans le registre de la danse contemporaine dans l'héritage du concept de théâtre-danse de Pina Bausch et Carolyn Carlson combinée avec la danse "organiciste" pratiquée par Juha Marsalo qui la qualifie de "chorée du corps en mouvement".
Intelligente et subtile, la fusion est totalement réussie et les jeunes comédiens, dont l'investissement est à la hauteur du fait qu'ils ne sont des danseurs professionnels et que le rythme est très soutenu, effectuent une belle prestation.
Caroline Marcadé a notamment formé un beau couple avec Laure Berend, dont le maintien, les attitudes et la dextérité gracieuse laissent penser qu'elle a reçu une formation de danse classique, et Théo Touvet qui se distingue d'autant au sein de la gent masculine, qu'élève au Centre National des Arts du Cirque, il allie à la performance physique la sensibilité artistique.
Les élèves officient dans l'épuré décor palatial de Benjamin Gabrié et Vitmar Ginami évoquant tant une architecture antique qu'un lieu futuriste, qui est sublimé par les lumières de Simon Fritschi et Julien Ullmann et transfiguré par les projections d'images résultant du travail collectif de Claire Allante, Nora Demjaha, Christina Lumineau, Laura Mariani, Victor Thimonier et Leï Tan, étudiants en arts et technologie de l'image, dans lequel se note l'influence du plasticien Bill Viola auquel est actuellement consacré une rétrospective au Grand Palais.
Comme toujours, placé sous le signe de la rigueur et de la fluidité, le spectacle proposé et dirigé par Caroline Marcadé est, selon l'expression consacrée, net, précis et sans bavure. Superbe. |