Spectacle conçu d'après l'oeuvre de Raymond Roussel, mise en scène de Mirabelle Rousseau, avec Laurent Charpentier, Mirabelle Rousseau et le pianiste Nicolas Ducloux.
Avec "Comment j'ai écrit certains de mes livres", la Compagnie du T.O.C. convie le spectateur à participer à une veillée funèbre bien singulière se déroulant dans une scénographie ad hoc de Jean Baptiste Bellon.
Sur le catafalque repose un cercueil vitré qui, tel un reliquaire, expose le défunt au regard. Un homme jeune tout de blanc vêtu, dans une tenue de villégiature estivale de rigueur au début du 20ème siècle. Un pianiste (Nicolas Duxcloux) attend pour officier.
Et une dame en noir (Mirabelle Rousseau) invite l'assemblée au recueillement puis glisse une pièce dans une fente de l'estrade et, tel un automate... le mort s'anime. Il parle de lui et surtout de son oeuvre, sa seule préoccupation, et de son désir de gloire universelle.
Cet homme c'est Raymond Roussel, écrivain et poète, pour le moins boudé en son temps tant des critiques que du public, à l'exception peut-être de ses homologues, des hommes de lettres, rentiers oisifs, et dandys précieux et invertis, tels Marcel Proust et de Robert de Montesquiou et du mircocosme surréaliste.
Raymond Roussel n'a pas davantage accédé de manière posthume à la notoriété populaire tant espérée, près d'une siècle plus tard le commun des mortels ignore sans doute même son nom, car son oeuvre hors norme, élaborée de manière "cryptée" à partir de contraintes scripturales hermétiques.
A l'aise dans sa bière, l'homme aimait le confinement et la réclusion, il dresse son autobiographie avant de s'ébrouer pour une éphémère résurrection afin de livrer quelques codes de déchiffrage de ses oeuvres.
De la chambre mortuaire à l'antichambre de son oeuvre, il n'y a que l'espace de cette étrange partition burlesque - non exempte de vertu didactique en ce qu'elle excite la curiosité du spectateur non seulement sur l'oeuvre mais sur la complexité psychologique de l'homme - qui ressort à un biopic fragmentaire élaboré par concaténation, que Mirabelle Rousseau met judicieusement en scène dans un espace plongé dans l'obscurité qui évoque la vogue de l'occultisme qui sévissait à la Belle Epoque.
Elégant tiré à quatre épingles, Laurent Charpentier, dont le phrasé un brin affecté sied à ce personnage totalement atypique, incarne parfaitement ce magistral halluciné et extatique, dépressif victime d'une addiction sévère aux barbituriques, qui esquisse quelques pistes sur le chemin de la révélation de l'intime.
Et ce, non sans humour car le spectacle tend vers le jubilatoire. Et si Roussel était un humoriste... |