Débarqué fin 2011 sur les ondes et confirmé dès 2012 avec des titres efficaces tels que "Female Robbery" et "Sweater Weather", les 5 jeunes californiens de The Neighbourhood se sont assurés une pléiade de regards bienveillants. Au printemps 2013, ils mettaient définitivement le pied à l’étrier avec un album au titre équivoque I Love You.
Pour les 5 jeunes hommes, il s’agissait avant tout de sortir "d’une petite bulle située dans la banlieue californienne, mais aussi de découvrir le monde". Lancé sur les routes depuis 2013, le groupe a en effet enchaîné les dates et multiplié les expériences, mais aussi eu l’occasion de quitter "le cercle vicieux d’une génération trop scotché à la TV".
Avec un style bâtard, dans lequel s’entremêle rock et hip-hop et un esthétisme vidéo extrêmement léché, le groupe veut porter un concept qui, sans être novateur, a le mérite de "redynamiser la scène californienne et pousser d’autres personnes à assumer leurs influences qu’elles soient d’un genre ou d’un autre".
Pas novateur affirment-ils, mais n’en demeure pas moins qu’une masse croissante de fans s’accorde pour pointer The Neigbourhood comme l’un des groupes indie les plus importants du circuit. Justement, on les a découverts grâce à internet et les garçons considèrent que cet outil est devenu le cadre privilégié dans lequel se développe la musique "indie". Un terme sur lequel beaucoup d’oreilles s’écorchent, non certain de son réel sens, pour eux en tout cas c’est un terme qui ne s’écarte pas de la "culture pop" et de la vie en tant que "groupe".
Un regard étonnement lucide sur leur position précaire, largement tributaire du buzz internet et pleinement conscient "qu’être un groupe est quelque chose de très différent aujourd’hui, c’est un peu un art perdu et à notre époque "être dans un groupe" c’est surtout un terme qui renvoi à la culture pop. Aujourd’hui un groupe est une entité pas vraiment défini, alors qu’avant on [te] parlait du chanteur, du guitariste, du batteur, chacun était connu et reconnu. Aujourd’hui, même connu sur internet, chaque membres reste dans un anonymat assez relatif".
A se demander si les 5 jeunes hommes qui n’ont pas plus de 23 ans ne seraient pas par hasard en mal de fans hystériques ? "Pas du tout" rétorquent-ils avec un sourire malin, "il y a une démographie de niche qui suit encore ce genre de protocole pour la musique indie. Mais quand on parle de culture pop, on parle maintenant pour notre génération d’icône de l’acabit de Justin Bieber ou Miley Cyrus. Notre génération accepte juste les "icones" qu’on lui sélectionne comme One Direction et ne va plus vraiment à la rencontre "approfondie" des musiciens. Les liens entre artistes et publics nous semblent plus factices aujourd’hui qu’auparavant".
Une vision pleine d’acuité somme toute, pour un groupe dont la jeunesse transpire par tous les pores. Mais visiblement jeunesse rime ici avec sagesse, même les sessions d’écritures du groupe semblent se dérouler dans une certaine paix, pleine de maturité : "le processus demeure en développement. Souvent, ça commence seul ou à trois, avec une idée qu’on lance au milieu et tout le groupe s’en empare et la remanie. C’est parfois difficile de se faire entendre, on a beau être très proche on ne voit pas forcément les choses de la même façon est c’est cela qui est difficile. On part bille en tête avec une idée et il faut apprendre à accepter les avis des autres et à respecter leurs sensibilités, c’est très constructif".
Peut-être même trop construit en réalité, chaque chanson flirte du hip-hop au rock’n’roll sans vouloir s’imposer trop de limite si ce n’est que chaque titre "devait être intrinsèquement lié aux vidéos en noir et blanc, les deux devaient interagir en tandem".
Un tandem efficace quoi qu’un peu triste et prisonnier d’un système bicolore traitant uniquement de sentiments à croire que le groupe a volontairement fait abstraction de tout un panel d’expériences plus positives. "On y travaille, certaines de nos nouvelles chansons seront plus légères que les précédentes et surtout avec quelque chose d’autre que de la tristesse, il y a beaucoup d’autres émotions à exploiter. (Rire) Il y a un moyen de traduire la joie et le bonheur dans une chanson sans littéralement répéter que tu es "heureux" pendant 24h".
En tout cas l’on comprend que le groupe ne compte pas se limiter à ce que l’on connaît déjà de lui et c’est une bonne chose.
Non que le groupe ait déjà épuisé la question, mais avec deux EP aux titres évocateurs "I’m Sorry", "Thank You" et un album I Love You, il était judicieux de s’interroger sur la direction que le groupe souhaitait emprunter, depuis leurs mystérieux débuts.
Car somme toute, malgré leurs looks légèrement punk et leur esthétisme bicolore, on suppute quelque chose d’un peu dérangeant :
Soit les membres sont des experts en marketing et excellent dans la maîtrise de leur image, soit nous sommes ici en présence d’un groupe (en partie au moins) piloter par des professionnels qui ont réussi à produire un groupe aux allures indie pour atteindre les teenagers.
Hypothèse hautement plausible puisque la production de l’album fut confiée à Emile Haynie, un cador du genre qui a signé des productions pour P!nk, Eminem, Bruno Mars et plus récemment Lana Del Rey (tiens mais c’est exactement la même problématique pour cette dernière).
Pas de quoi tirer l’alarme non plus, le talent est bel et bien là et on attendra un second album émancipé de la tutelle de Columbia Records pour entendre la douce voix de Jesse Rutherford et son groupe, débarrassés des chaînes de leurs producteurs.
|