Lecture théâtrale de Daniel Pennac dans une mise en espace de Clara Bauer.
Le romancier Daniel Pennac dit aimer les lectures et aimer en faire. Et il a bien raison de verser dans l'exercice de la lecture en public car il est doté d'un timbre de voix que nombre de comédiens peuvent lui envier, et, loin de "faire" le comédien et sans l'enjeu probatoire du cabotin, de l'indispensable goût de la communion littéraire.
Après avoir fait partager sa passion pour "Bartleby le scribe" de Herman Melville, il propose au public la lecture d'un de ses opus intitulé "Journal d'un corps"
A sa mort, un homme lègue à sa fille ses carnets secrets qui constituent son journal intime mais un journal singulier puisqu'il n'y procède pas à la recension de ses états d'âme métaphysico-existentiels.
En effet, rédigé sous une focale atypique, il relate la vie d'un homme sous l'angle du corps physique et, cependant, il ne s'agit par d'un journal écrit au quotidien par un hypocondriaque ni de la transcription clinique d'un maniaque de l'organicisme biologique.
Daniel Pennac s'est attaché au corps, ce corps "intimement étranger" que le diariste découvre en se positionnant comme un observateur extérieur, qui dicte sa loi et qui, par son système nerveux, révèlent la personnalité d'un individu et illustre la croyance que la vraie intelligence est émotionnelle .
Et il place ce récit biographique, au demeurant écrit dans une belle langue classique, sous l'égide d'une trame ésotérico-philosophique qui place ce corps "territoire commun à tous les hommes", qui serait aussi celui des autres, de ceux choyés et aimés, qui peuple le corps en soi au coeur d'une profane entité épiphanique.
Pour sa transposition à l'oralité et à la scène, Daniel Pennac a procédé à un judicieux montage d'extraits en alternant les moments graves, la mort du petit-fils, les envolées élégiaques avec les sensuels transports amoureux, les considérations truculentes, ainsi sur la dimension fantastique de la nécessité de l'émission du gaz intestinal expliquée aux petits enfants et les anecdotes amusantes, voire hilarantes, tel l'épisode de l'extraction d'un polype nasal, véritable scène de comédie d'anthologie.
Dans la sobre mise en espace de Clara Bauer et une scénographie claire de Oria Puppo, une table, bucolique jardin secret en miniature avec pelouse et bonsaï, et un ciel de suspensions industrielles, métaphore cosmique, Daniel Pennac incarne le diariste avec humanité et aménité avec justesse et unicité de ton.
Empathique, il maintient le public sous le charme du conteur. Et donne une furieuse envie de lire dans son intégralité ce journal aussi pertinent et qu'impertinent, d'autant qu'il vient de faire l'objet d'une réédition augmentée. |