La chanteuse américaine Angel Olsen a terminé son concert par plusieurs chansons en solo, d’une manière assez contrastée avec toute une première partie plus électrique. Si les musiciens sont restés assez discrets, ils n’en ont pas moins dégagé une certaine puissance.
L’avant-dernière chanson nous a éblouis, la magnifique "White Fire", titre provenant du deuxième album, Burn You Fire for No Witness : accords arpégés, voix renversante : on imagine la guitare d’un des premiers albums de Leonard Cohen accompagner Hope Sandoval, la chanteuse de Mazzy Star (il faut savoir que le disque Songs of Love and Hate de Leonard Cohen – pas le plus mauvais… – est celui qui a poussé Angel Olsen à composer ses premières chansons. Influence donc très perceptible, dont on ne peut tenir rigueur à la chanteuse).
"Brûle ton feu sans témoin, c’est la seule manière de mourir", murmure-t-elle, envoûtante. L’immobilité de la chanteuse d’ailleurs, qui pourrait faire l’objet d’un reproche, prend son sens peu à peu : il faut canaliser le plus d’énergie possible dans un minimum de mouvement, pour qu’elle commence à être perceptible, comme une étincelle se change en feu.
Les autres morceaux en solo qui ont suivi ce titre ont moins de saveur, dans le sens où ils ont donné lieu à un decrescendo. D’ailleurs l’arrêt net, final, nous a étonnés. On attendait un retour à un rock plus agressif. J’admets en avoir ressenti un peu de frustration, mais peut-être que cette ancienne choriste de Bonnie Prince Billy trouve-t-elle sa vraie marque dans l’intimisme et le recueillement : seule à la guitare, face à face avec ses démons. De même est-ce là un effet de sa liberté, qui est de ne pas donner au public ce qu’il attend.
Angel Olsen tendra sans doute vers cela, des chansons folks inégales mais poignantes, faites de saillies, de fêlures, tour à tour neutres et imprévisibles ; pleines de solitudes, mais d’une solitude communicative. Et le chaos est présent, latent, en arrière-fond ; il ne se manifeste pas encore, trop jeune peut-être, pas arrivé à maturation. Dans quelques années il éclatera, à la manière d’un Tim Buckley, et cela risque de faire très mal.
En première partie, le groupe Belge Robbing Millions nous a gratifiés d’un set rafraîchissant. Une mise en bouche plutôt pop, teintée d’électro, joyeusement foutraque.
Sur scène, un désordre plein d’humour, plus ou moins canalisé par une jeunesse en devenir. Un plein d’énergie sous acide nous donnant envie de danser. "Tu danses ?", demandais-je à ma voisine. "Euh, pas trop, là, tu comprends, je préfère savourer". "Ah oui tu cherches les influences ? Tu reconnais Cure j’espère ?". Elle ne m’a pas répondu, j’ai dit n’importe quoi. J’aurais dû lui parler du jazz. Il y a du jazz chez Robbing Millions, une influence perceptible dans un petit bordel pop. |