On débarque sur le site alors que Lou di Franco entame son dernier morceau - "Chienne de vie" : le groupe dijonnais s'exporte de plus en plus hors des frontières régionales, grâce à la voix particulière de sa chanteuse dont le cœur vibre de la chaleur sarde. Le public est aussi massé qu'enthousiaste. On aurait aimé en voir plus, et on s'excuse auprès d'eux de notre retard...
Une heure et demi plus tard, un OMNI – Objet Musical Non Identifié – se présente sur scène : ATOM, groupe bordelais, qui déploie un rock puissant et profond, est donc la "surprise du chef" de ce festival. Une voix d'outre-tombe emmène des mélodies lourdes et bien pensées, et les influences du groupe – Editors, Interpol – ne sont pas sans nous déplaire. Le batteur prend la parole entre les morceaux, et se révèle doux et charismatique. Le style tranche avec tout ce qui avait été programmé sur ce festival, avec de longs intermèdes instrumentaux qui prennent aux tripes. Une réussite donc pour ces petits qui ont gagné les Talents du Live... Quatre jours auparavant !
Pigalle prend la relève, et Hadji-Lazaro, à la maestria bourrue, à l'air aussi bougon que facétieux, nous embarque dans ses petits effets de réel chantés à coup de riffs bien bien rock. L'ambiance guinguette festive, les talents de conteur d'un leader qui éclipse clairement toute sa troupe, emballe une foule énorme et chapeautée. On finit avec "Dans la salle du bar tabac de la rue des Martyrs", évidemment.
Et puis... Et puis c'est le début de la fin. On y croyait pourtant, dur comme fer. Le set de Ben l'Oncle Soul fait retomber tranquillement l'ambiance que Pigalle avait pourtant rodée et le public ne s'en remettra pas. "Soulman" est le troisième morceau, et la prestation est bizarrement très très tiède. Ebloui, fatigué, manquant de peps, Ben et sa voix d'or – on ne peut pas lui retirer ça, quand même ! - ne rattrape pas un scénique beaucoup trop mou – en comparaison, certes, des folies de la veille. Les bras sont en l'air, Ben entonne une reprise de "Everything's Gonna be Alright" et rend hommage à Martin Luther King... Mais c'est une déception pour nous. Qu'importe : on se dit, ça arrive, rien de grave, on les reverra avec plaisir, et on croise les doigts pour que Bertignac, au concert des Rolling Stones la veille, ait malgré tout bien dormi cette nuit.
Mais... En quelques secondes, après une discussion plutôt cocasse avec un de ses musiciens qui place le set sous d'excellents auspices, le drame technique arrive : pas de retour pour le groupe, un son médiocre (et c'est un euphémisme), un agacement léger dans les propos de Bertignac à l'ingé son qui du coup a dû raser les murs ce matin... Bref, un drame. "Bon ben puisque c'est comme ça je vais faire des reprises !" La setlist est modifiée, ça commence donc par "Cendrillon", ça joue les Stones ("Je vais faire mon Mick Jagger, mais sans la voix !") avec "Start me Up", le son se balance de gauche à droite comme une péniche à la dérive sur la Saône, mais ça fait plaisir aux quinquagénaires malgré tout, qui sautillent smartphone en l'air pour enregistrer tout ça. D'immenses blancs entre les morceaux introduisent un faux-rythme mortel, et le problème ne se résoudra pas. Ca se termine par du Téléphone – Bertignac choisit carrément l'instrumental, laissant le public chanter tout seul "Un autre monde", et puis, d'un seul coup, tous les chefs étoilés débarquent sur la scène et... On regarde tout ce petit monde s'embrasser, sautiller, selfiser, sans vraiment savoir ce qu'on fait là. "Ces idées là", et c'est la fin – tant espérée, avouons-le.
Pour la forme, parce qu'on est curieux et bien intentionné, on restera pour les trois premiers morceaux de Christophe Maé, la tête d'affiche du jour tant attendue par les petites groupies déjà serrées comme des sardines devant la grande scène. Figurez-vous que, sans adhérer à l'aspect commercial de la chose, on est quand même agréablement surprise. Des musiciens et des choristes de choix, un début de show bien rôdé et enthousiaste, Maé est bon harmoniciste et content d'être là. Ca rattrape quand même (un peu) cette fin de journée...
A 17h30 samedi après-midi, les Francos Gourmandes avaient fait 18000 entrées. Un succès souligné maintes fois, entre deux chapelets de remerciement lors de la conférence de presse. Une des nouveautés de cette édition semble avoir fait mouche : remplacer une des deux scènes musicales présentes l'an dernier par une scène gastronomique, présentant entre les sets des groupes des sortes de "battle" culinaires, entre plusieurs chefs, avec ingrédients imposés. L'enjeu ? Que la cuisine se mette en scène, s'extériorise, et flatte les narines des spectateurs amusés (surtout lorsque M. Wampas vendredi s'est improvisé chef en fourrant des framboises pendant 35 minutes). Une sorte de télé-réalité sous notre nez, qui m'a semblé quand même être un joyeux bordel, que Rabelais n'aurait sans doute pas renié, mais qu'il faudra peaufiner l'an prochain malgré tout.
Cette troisième édition des Francos Gourmandes a donc été sous un signe tout à fait favorable, et l'ambiance bon enfant réussira sans doute à fidéliser bon nombre de festivaliers. La proposition, en terme de musique et de gastronomie, s'est affinée, en dépit de petits impedimentum impossibles à enrayer... On aimerait l'an prochain plus d'audace dans la programmation, mais toujours autant de soleil. Utopique ? |