Il aura fallu près de quatre albums à Little Dragon pour finalement capter un grand nombre d'oreilles à travers le globe. Comprendre qu'avec le succès de Ritual Union sorti en 2011, le groupe mené par la voix de Yukimi Nagano avait fini par enregistrer un titre à des fins purement commerciales (une bande son pour une bière diffusée pendant le super bowl).
Trois années plus tard, de retour avec un nouvel album coincé sous le bras, le groupe se retrouve à un croisement ouvrant sur toute une collection de possibilités, s'étiolant depuis une éventuelle réédition fade des hits passés, à l'hypothètique sortie d'un opus trop obscur pour massivement remporter l'adhésion du public.
Nabuma Rubberband, nom barbare définissant ce quatrième né, est en réalité une jonction, un carrefour auquel sont rendus les quatre membres de Little Dragon. Passage charnière et obligé pour tout groupe ayant perduré une décennie durant et devant à un point donné se remettre en question.
De l'aveu même du groupe, cet album s'est construit dans une atmosphère d'adversité. Chaque membre s'étant formé une identité musicale solide durant les années passées, créer un album sur ses antagonismes relevait de la gageure. À l'écoute, le défi a été relevé avec une énergie nouvelle, à peine domptée par la dimension sensuelle du chant Yukimi Nagano. Ainsi, même sur le très bien nommé "Klapp Klapp", les grosses percussions ainsi que l'infatigable ligne de basse n'arrivent jamais à occulter l'organe de la chanteur d'origine japonaise.
Les synthés - marque de fabrique historique du groupe - sont toujours bien présents et se doublent bien plus volontiers d'harmonie vocales ("Underbart"), alors que des titres comme "Paris" établissent un parallèle avec la rythmique de l'opus précédant. "Killing Me" est quant à lui le point d'orgue statufiant sur l'équilibre diabolique sur lequel le groupe repose désormais : Yukimi occupe tout un pan de l'espace, sensualisant les mots "Killing Me" aussi banalement que les claviers et les basses annexent les oreilles.
Disque courageux, Nabuma Rubberband n'hésite pas à jouer les cartes de la redondance rythmique et minimaliste sur son titre éponyme ou à accentuer les traits exotiques de ses productions ("Let Go" et surtout "Pink Cloud"), s'affirmant comme un disque brillamment éclectique.
On repassera pour la panne d'inspiration, visiblement le collectif de Little Dragon a encore du carburant à brûler. Les dragons font donc bel et bien feu de tout bois. |