Pour la quatrième année consécutive, me voilà aux Eurockéennes de Belfort. Le cœur y est-il ? Partiellement. La pluie battante qui s'abat sur la Presqu'île du Malsaucy y est pour beaucoup. Je sais déjà que les conditions très difficiles ne me permettront pas de travailler correctement ce soir.
Les festivaliers traînent les bottes, boudent la boue, et les places se revendent déjà depuis quelques heures sur internet. La programmation, de manière générale, ne m'inspire guère... Compte-rendu, donc, d'une soirée mitigée.
The Fat White Family
Nous ignorions tout du rock plutôt sale et totalement fou de The Fat White Family. Le délire auto-destructeur plane au-dessus de ces petits Anglais en transe : originaires de Brixton, ils transpirent une conception du rock'n'roll radicalement vintage et égale à un violent no limit. Mais l'intérêt réside ici dans le fait que la posture ne cache pas la musique qui, pour le coup, tient parfaitement la route. Allez écouter leur unique et excellent album, Champagne Holocaust !
Reignwolf
Dès le début, on comprend ici que l'on a affaire à un groupe hors norme. Les Reignwolf ont un parcours plutôt étrange : ils ont généreusement fait la première partie de Black Sabbath lors de leur dernière tournée, mais... aucun album au compteur. Pourtant, quel brio !
Il y a incontestablement en Jordan Cook, leader, du Jimmy Hendrix et du Jack White dans la présence sur scène comme dans les riffs. Une habileté et une audace – monsieur joue de la batterie et de la guitare en même temps – qui habille parfaitement un talent non dissimulé et incontestable. En guise d'ouverture de la Grande scène, un véritable coup de maître et un réel coup de cœur.
Findlay
Natalie Findlay, en plus d'être une brune beauté à la photogénie aisée, ouvre le bal par un petit solo aussi vertigineux que talentueux, tout à fait même de prouver qu'elle n'a rien à envier à Hannah Reid ou à Alison Mosshart.
Elle porte avec une pudeur paradoxalement sensuelle un rock intéressant, car éclectique, mêlant punk, garage, blues avec sur scène une discrète sauvagerie tout à fait plaisante.
Deux EP's, Greasy Love et Off and On... A quand l'album ?
The Pixies
Un mythe apparaît sur scène, avec toute la déception inhérente à ce genre de moments. Franck Black, Joey Santiago, David Lovering, Paz Lenchantin apparaissent comme messieurs et madame tout le monde sur la plus grande scène du festival.
Et pourtant, on ne pourra que reconnaître que le frissonnement du génie nous caresse dès le premier titre.
Pourtant, si mon oreille a correctement traîné, seuls les ayatollahs du groupe ont été satisfaits – d'autres reprochant un scénique mou et un son plutôt mauvais en raison de la météo. Une setlist ayant pour point d'orgue – en doutait-on ? – "Where is my mind ?".
Metronomy
Jeunes, brillants, fringants, souriants, les petits minets de Metronomy méritaient-ils la pluie ? Est-ce qu'Anna Prior méritait d'arriver envelopper d'un poncho bleu version sac poubelle ? Méritaient-ils également ces cris énervés de quelques petits morveux ivres n'attendant que de l'électro pour se réchauffer ?
L'atmosphère d'un live de Metronomy est étrange : guindée et classieuse, joviale et juvénile, enchaînant des titres dont on ne sait comment juger les mélodies : simplettes ou pensées ? Faciles ou complexes ? On passe un bon moment au milieu de cette musique instrumentale parfois un peu surfaite, un peu "too much" mais qui aura eu le mérite de ravigorer. Le dernier album de Metronomy m'avait un peu laissé sur ma faim, et le set proposé est en tous les cas – et heureusement – plus énergique... On retiendra l'ambiance géniale dégagée durant "Love Letters", ce titre improbable qui ressemble à un générique de série américaine des années 80 : c'est quand ils penchent vers le disco que j'aime vraiment les Metronomy...
Stromae
Grand gagnant des programmations des festivals de cet été, Stromae est incroyablement désiré... par un public massé, hurlant, hystérique, qui ne rêve que d'entonner en chœur les titres entendus à la radio. Le set est à couper au cordeau, hyper rôdé, et l'on ne pourra pas reprocher à Stromae de ne pas se donner à fond. Les attentes du public sont satisfaites : "Peace or Violence", "Tous les mêmes", "Formidable", "Papaoutai"... Le délire de l'idolâtrie se donne à lire sur de nombreux visages... et la pluie devient déluge.
Détroit
Oserai-je avouer que ma soirée fut sauvée à 1h du matin ? Même si Détroit n'est qu'un détour, celui qui a permis de transformer le désir noir de Cantat en seconde vie, ma fascination reste la même. Sur scène, une présence humble et forte ; sur son visage, un sourire discret mais qui avoue ne vivre que pour ce public, là, devant lui.
Tout commence par "Droit dans le soleil", qui nous fait entrer dans la voix de Cantat avec une brutalité et une suavité déroutantes. Pascal Humbert, à côté de lui, fait figure d'acolyte fidèle et talentueux dans cette ouverture acoustique poignante.
Quelques titres nouveaux de l'excellent album Horizons, se donnent à écouter, notamment "Ma Muse", et soudain le passé reprend le dessus – "Lazy" ne sera que l'amorce d'une longue série de reprises qui ont, malgré tout, cet avantage de ne pas trop sentir le réchauffé, de "Le Vent l'emportera" à "Tostaky"... Superbe Cantat, qu'il me tarde de revoir, encore et encore et de rencontrer, un jour, peut-être.
Trempée comme une soupe, déprimée comme pas deux – le matériel photo a pris un tel coup dans le nez qu'il ne s'en est toujours pas remis –, on peut dire néanmoins que la soirée fut bonne, grâce à quelques inattendus musicaux de bon augure. |