Pièce de Jean-Luc Jeener, montée par Anne Coutureau avec Laurent Benoît, Nicole Gros et Fatiha Temmouri
Jean-Luc Jeener, auteur, metteur en scène, comédien, propose pour la saison de création sur le thème "Justice et Politique" du Théâtre du Nord-Ouest, dont il est le directeur, "Le foulard" dont le titre concis suffit à en circonscrire le sujet.
Sur une mise en scène épurée d'Anne Coutureau , un des fondateurs, avec Carlotta Clerici, Yvan Garouel et Mitch Hooper , de la Compagnie du Théâtre Vivant pour la défense d'un théâtre humaniste, cette pièce vous saisit à l'âme.
Brigitte Fontaine et Areski Belkacem chantent dans "Le voile à l'école" que, folle faribole comme le sexe des anges, "Chacun a raison, aucun n'étant le bon" et "Halte au ridicule ! Rabelais dira : la querelle est nulle fais ce que voudras !". N'en demeure pas moins que ce sujet a défrayé les chroniques et déclenché les plus vives confrontations, relayées par les médias, et érigé des épiphénomènes en pointes émergées d'iceberg révélateurs d'un véritable sujet de réflexion.
Le verbe de Jean-Luc Jeener, homme de foi et de conviction, précis, clair, argumenté, intelligent, clairvoyant, nous amène à réfléchir sur la place de la foi dans une société qui se veut laïque, l'intégration et/ou l'assimilation des émigrés, la différence de foi, la recherche identitaire de l'adolescent épris d'absolu. Bien sûr, il a opté pour une situation qui permet la discussion entre hommes de bonne volonté et la recherche de la lumière en écartant celles qui ne peuvent que conflictualiser les passions.
Sofia, jeune fille intelligente, à l'insolence provocatrice et désespérée, dont la famille ne s'inscrit pas dans l'intégrisme et le traditionnalisme exacerbés, a fait semble-t-il un choix personnel qu'elle veut exprimer également au sein d'une institution laïque, l'école publique. Face à elle, le proviseur, représentant de l'Etat, est un catholique pratiquant doublé d'un théologien et d'un homme qui se veut humaniste.
La pression du microcosme sociétal que constituent les enseignants les conduit à un inévitable affrontement qui, à défaut de supprimer l'objet du débat, les amène à chercher ce qui est le mieux pour tout le monde au nom de la tolérance.
Face à Nicole Gros, la professeur agnostique qui en appelle à l'autorité du chef d'établissement pour énoncer une règle qui s'imposera à tous et les dédouanera de faire des choix implicants, Fatiha Temmouri exprime toutes les incertitudes, toutes les fragilités et toutes les arrogances qui nourrissent les jeunes adultes en quête d'identité culturelle et Laurent Benoît incarne avec justesse et une grande humanité le proviseur ébranlé dans ses convictions et déchiré entre ses propres certitudes et les devoirs et obligations de sa charge.
Un grand moment de théâtre...
"Il faut avoir le courage politique de ses opinions - Je crois en un mystère qui dépasse toute raison Je crois que l'homme est libre - Le racisme est une tarte à la crème, ce qu'il faut combattre c'est la peur" Jean-Luc Jeener in Le foulard
"Pour amorcer une prise de conscience, pour nourrir une réflexion, le théâtre a un rôle important à tenir. En montant le Foulard, je crois respecter plus que jamais sa fonction de miroir du monde". Anne Coutureau
"Nous ne voulons pas divertir les spectateurs, ni leur imposer une vision du monde, nous leur proposons de partager avec les acteurs une expérience sensible….Refusant tout dogmatisme, toute représentation du monde figée par une idéologie, ainsi que toute complaisance nihiliste, nous luttons, à notre façon, contre la déshumanisation du monde." Compagnie du Théâtre vivant |