Comédie de Esther Vilar, mise en scène de Aurélie Lesne, avec Claudine Cartier, Chloé Lefrançois et Emily Nègre.
Lazlo Stavisky, "arlésienne" d'une l'excellente comédie de moeurs concoctée par Esther Vilar, est un cinquantenaire qui, malgré un physique ordinaire, sévit en séducteur, principalement à domicile, entendez dans la tour résidentielle où il demeure avec son épouse, en pratiquant l'escalade du rajeunissement des troupes.
Helen, épouse irréprochable et presque parfaite, femme intelligente, élégante, dynamique et épanouie, qui aime son mari comme au premier jour, est sommée de rendre sa liberté à "son homme" par Yana Stern, de vingt ans sa cadette, architecte renommée qui se voit irrésistible en bombe sexuelle sûre de ses charmes.
S'enclenche alors la spirale de la jalousie que connaîtront à leur tour cette dernière, quand elle aura connaissance de son infortune causée par Iris Rudnik, une jeune étudiante, puis celle-ci qui, bien que boudhiste prônant le détachement, vit très mal l'inconstance masculine.
"Jalousie en 3 mails" constitue une divertissante comédie de moeurs, légère et profonde, grave et drôle, virulente et tendre, pertinente et impertinente articulée par une amusante rhétorique de la jalousie, thème dramatique par excellence mais traité sous l'angle de la comédie, conjuguée au féminin et déclinée par trois générations de femmes au profil différent, trame principale sur laquelle se greffent des thématiques collatérales relatives à la relation amoureuse, à la sororité et au dynamitage des archétypes de la femme fidèle, de la femme fatale et de la femme-enfant.
La particularité de la partition, annoncée par son titre, tient à ce qu'elle se développe non sous forme de scènes d'affrontement en bilatéral mais par échange de mails, procédé délicat qui fonctionne bien en l'espèce car ils se répondent du tac au tac comme de véritables dialogues émaillées de traits d'esprit placés sous le signe d'une humour décapant proche de l'humour juif newyorkais qui visent juste.
Aurélie Lesne maîtrise ce difficile exercice formel et signe une mise en scène dynamique et enjouée, intégrant des bulles interactives et des intermèdes musicaux avec des extraits du "Don Giovanni" de Mozart chantés par le baryton Jean-Jacques Lala.
Et cerise sur le gâteau, la distribution est judicieuse avec des comédiennes épatantes, et de surcroît, ce qui ne gâte rien, séduisantes et pétillantes. Elles oeuvrent en totale synergie tant entre elles dans le jeu qu'avec le registre doux-amère mais néanmoins jubilatoire de la pièce.
Donc tiercé gagnant avec Claudine Cartier, la maturité tranquille, qui ouvre le feu et le cercle de la jalousie, suivie par Chloé Lefrançois, la sensualité au naturel, puis Emily Nègre, la fraîcheur juvénile. |