Comédies dramatiques de Guan Hanqing, mise en scène de Bernard Sobel avec Jérôme Cochet, Daniel Léocadie, Clémence Longy, Frédéric Losseroy, Manon Payelleville, Zelda Perez, Noémie Rimbert et Théophile Sclavis.
Même si le jeune Patrice Chéreau avait monté en 1967 "Le Voleur de femmes" et Bernard Sobel déjà ces deux courtes pièces à Gennevilliers, le nom de Guan Hanqing, pourtant considéré comme le "Shakespeare chinois", vaudrait très cher dans un quizz théâtral.
Auteur né au 13ème siècle, en pleine dynastie mongole des Yuan, il reste très prisé par les Chinois qui aiment ses courtes pièces aux intrigues simples et aux morales sans concession.
Les deux textes adaptés avec bonheur par Evelyne Pieller que reprend Bernard Sobel aux Déchargeurs apportent avec une évidence indiscutable la preuve de la grandeur de Guan Hanqing.
Pénétrant tour à tour dans le monde des "Femmes-fleurs", euphémisme pour nommer les prostituées des quartiers de plaisirs, et dans les arcanes de la justice chinoise, "Sauvée par une coquette" et "Le Rêve du papillon" se savourent, dans l'écrin que leur a conçu la mise en scène de Bernard Sobel, comme des petits bijoux de précision théâtrale.
Baignant dans la beauté du décor de Jean-Baptiste Gillet, qui a conçu un espace scénique vide aux murs et au sol d'une blancheur immaculée que perturbe seulement quelques vives touches de noir, se déplaçant de manière quasi aérienne dans les long drapés blancs de Mina Ly parfois rehaussés des raffinements en papier, maquillés et coiffés par la même qui leur confère des airs de pierrots lunaires, les huit acteurs, tous dans l'énergie, se contrôlent pour que les deux intrigues ne quittent pas la frontière de la tragi-comédie et ne finissent par s'enfoncer, comme il serait loisible de le concevoir, dans quelque chose qui irait de la caricature au grotesque.
Rarement, sur une aussi petite scène de surcroît, on n'aura vu se déployer tant de grâces et l'on en vient à penser qu'à l'image du juge Bao, rêvant de papillon dans la pièce qui porte à-peu près ce titre, on a gagné le pays des songes avant de revenir d'un bond dans le prosaïque du quotidien à l'emporte-pièce.
Mais ce retour n'est pas amer : longtemps après avoir quitté la Chine des Yuan, où les femmes-fleurs sont si belles et si solidaires face à leurs bourreaux masculins et les mères si aimantes pour sauver leurs enfants dans de sales draps judiciaires, on conserve le doux souvenir de ce pur moment de délice théâtral.
S'il est un chemin à emprunter, c'est celui qui mène à Guan Hanqing version Bernard Sobel. Le plaisir sera immense et la soirée inoubliable. |