Quand j’ai écouté le nouvel album de Jolie Holland, son sixième, Wine Dark Sea, j’ai rapproché sa voix et sa musique à celle de Joan Wasser (aka Joan as Police Woman). Une voix écorchée, éraillée, on ressent les bosses de la vie à chaque souffle et on se dit qu’elle ne doit pas sucer que des glaçons (expression un peu tendancieuse et bien facile, je le conçois).
Je ne connaissais pas du tout cette artiste ; je me suis penché sur sa discographie plutôt country-folk-blues-jazz à l’origine. Une oreille attentive sur Catalpa (2003), incantation initiatique parfois, puis Escondida (2004), ouverture bluesy, en remontant le temps avec Springtime Can Kill You (2006) - rien que pour "A crush in the ghetto", il faut écouter ce disque ! - The Living and the Dead (2008) et enfin Pint of Blood produit en 2011.
Je dois bien avouer que Jolie Holland m’a bien attrapé dans ses filets, un sans faute sur 5 albums. Elle retrace l’Histoire de la musique américaine avec brio mais surtout avec un groupe soudé, un public construit petit à petit, et la presse qui la suit à son tour. Wine Dark Sea serait donc un album de transition comme on aime à dire quand un artiste s’essaie à autre chose qu’un univers déjà bien familier et confortable, l’univers de la soul est ici tutoyé. Au risque parfois de perdre son public… souvenez-vous l’échec du pourtant formidable album de Ride, Carnival of Light pour ne citer que cet exemple.
Bref, je me remets sur le dernier album en date, Wine Dark Sea, titre d’ouverture "On and On", cette voix captivante installe brillamment le contexte, ça va sentir la souffrance, l’alcool, les histoires d’amour qui finissent mal, bref, on va souffrir, on va pleurer, on va vivre ! Sur "First sign of spring", il y a un piano, plutôt quelconque, mais cette voix, je crois qu’elle pourrait me chanter les Pages Jaunes que je serais encore pendu à ses lèvres !
Si elle a choisi de jouer dans un registre qu’elle n’avait pour le moment pas encore abordée, c’est pour une bonne raison, peut-être faire évoluer sa musique vers un peu plus de reconnaissance ; les compositions sont toujours bien écrites mais deviennent banales sur la longueur… Le pénible "Radio 30"… L’épure de son parcours irréprochable est ici parsemé de guitares dégoulinantes et inutiles.
Une chance, la magnifique "The Love You Save" (une cover du grand Joe Tex) reprend en main les affaires. Jolie Holland et son joli timbre de voix nous promènent dans ses aventures intimes en duo. La superbe "Palm Wine Drunkard" installe définitivement cette artiste dans la cour des grandes et le final sur "Waiting for the sun" (les cuivres sont de sortie) un summum efficace. Si on sent avec cet album une prise de risque incroyable, perdre une bonne partie de son public acquis à la dure depuis 10 ans, on espère sincèrement qu’un autre public découvrira cette artiste. Pour ma part, j’ai préféré écouter l’avant Jolie Holland mais j’écouterai avec plaisir le prochain album, ne serait-ce pour voir quelle direction elle aura choisie !
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