Au Campus Café de Montréal, venue des légendes punk de Belfast, The Stiff Little Fingers. En cette soirée calme à Montréal, j'avais le choix entre eux ou John Mellcamp (qui en vieillissant a laissé tomber le "cougar"). Donc aucune hésitation, un concert de vieux punks irlandais me remettra les esgourdes d'aplomb après avoir vu Yves Duteil, Lynda Lemay et Isabelle Boulay au Festival International de la Chanson de Granby l'avant-veille.
So So Glos, en première partie, envoie un punk Old School mélodique dans la lignée Clash 77 ou Undertones 2014. Les new-yorkais n'ont certes pas grand-chose de neuf à proposer, ni musicalement ni dans le discours (on le sait que "the world is rubbish"), mais leur côté gouailleur, la voix nasillarde en avant et l'énergie dépensée sont jouissifs, même si le volume m'interdit de passer commande d'un pinte de rousse au bar.
Quelques mecs au look d'irlandais, qu'on identifie surtout à leur casquette, sont affalés sur les barrières au premier rang. Dans le fond de la salle, qui se remplit de plus en plus, on observe des looks plus locaux. J'ai un peu l'impression de me retrouver à une convention Sons Of Anarchy. Ça va de la punkette sexy, crête, collier clouté, perçages (oui, on est au Québec) et épaule dénudée ou gros lards à rouflaquettes grises et t-shirt noir ou à l'effigie d'un groupe iconique (GBH, The Saints, Exploited, Cramps...). Certains de ces t-shirts semblent même d'époque. Le mec avec son t-shirt Ramones tout neuf fait figure de pustules au milieu de cette foule.
Les So So Glos, qui ont de bonnes gueules à partager un cerveau pour quatre, continuent leur set. Le chanteur, un bracelet de tennis sur l'avant-bras, enchaînent les titres accrocheurs : "Punk rock is dead", "Xanax" ou ma préférée "Lost weekend".
Entre les deux concerts, je regarde le public. Pas loin de moi, un mec qui est le sosie de Demis Roussos plus jeune mais cheveux courts m'effraie un peu en cas de pogo. Un autre qui a foutu plus de fric dans sa dope que dans son assurance dentaire et quelques nez épatés m'assurent qu'il ne va pas falloir chercher la baston. Je repère aussi Miss Poutine 90 qui a tellement forcé pour rentrer dans ses jeans slim que toute la graisse des cuisses lui est remontée sur le ventre. Autour de moi, ça parle essentiellement anglais. Ni les francophones, ni les français qui envahissent le plateau de Montréal ne semblent s'être déplacés.
Pendant l'heure et demie qui suit, les Stiff Little Fingers envoient fort leur punk héroïque. Le leader du groupe, Jake Burns, le guitariste Ian McCallum, le batteur Steve Grantley et le bassiste Ali McMordie ont beau afficher une moyenne d'âge de 52 ans, ils montrent que le punk est encore bien vivace.
Entre classiques et extraits de leur nouvel album No Going Back, le premier album après un silence de onze années, l'énergie ne faiblit jamais, d'autant que les vieux punks ne se sont pas assagis. McMordie est au moins aussi charismatique que pouvait l'être Paul Simonon des Clash. Quant à Burns, il démontre qu'il a un coffre hors du commun et une présence de folie.
A la limite du pogo, bien bourrin vu les masses de steak qui s'y sont jetés, et négligemment accoudé au comptoir, je ramasse et relance deux ou trois corps éjectés du centre dans le boxon intégral qu'est devenue la fosse. L'ex Miss Poutine saute sur place en remontant son corsage dont sa poitrine généreuse semble vouloir s'échapper.
C'est tout à la fin, en rappel, qu'ils interpréteront les chants de guerre les plus attendus : "Wasted Life", "Suspect Device" et bien entendu "Alternative Ulster".
Mes pieds, écrasés une ou deux fois malgré les docs, et mes oreilles se souviennent encore du concert d'hier. Mais les Stiff Little Fingers, comme les So So Glos d'ailleurs, m'ont montré que le punk (le vrai, pas les ersatz de Green Day ou Blink182) était une musique qui avait encore un bel avenir devant lui. Surtout en cette période. |