Comédie écrite par Jean-Louis Bauer et Philippe Adrien d'après Le Malade imaginaire de Molière, mise en scène de Philippe Adrien, avec Patrick Paroux, Lison Pennec, Nathalie Mann, Jean Charles Delaume, Jean-Marie Galey, Arno Chevrier et Pierre Lefebvre.
"La Grande nouvelle", une nouvelle version du "Malade imaginaire", il fallait oser. Ou comment, partant de Molière, aller au cœur de la maladie contemporaine.
Argan est malade de la technique, des objets inutiles, des minuteries, des automatismes, de la mort. Affublé d’une horrible fille et d’une "femme" opérée de son sexe originel, couturée et narcissique, décervelée et frankensteinienne, il subit également le joug d’un gourou patenté, un coach - du mot "coche", car sa victime aime le fouet - et ne peut compter que sur un frère honnête homme qui observe cette fatuité avec le dédain sain et la lippe moqueuse.
Triste maison truffée d’électronique et d’angoisse, de vide. Alors, si l’on apportait à ce gogo l’élixir de jouvence et de perpétuité, quel aboutissement : l’ennui (presque) éternel et garanti comme un objet qui va tomber en panne. La fable est drôle, truculente, méchante, impitoyable. Nous devenons de plus en plus bêtes et de plus en plus dépendants.
Trois comédiens éblouissants se distinguent avec netteté : Patrick Paroux, Argan atroce, sous viagra, empaillé et veule, excellent, Jean-Marie Galley, à l’exquise nonchalance si élégante de Comédien-Français, parfait, détaché, méprisant et seul dans son intelligence.
Mais la révélation, c’est Nathalie Mann, sculpturale, irréelle, incarnant un monstre unisexe avec une inventivité, un charisme, un comique qui laissent pantois : quelle magnifique comédienne ! On attend ses retours avec jubilation. Elle illumine la scène.
Philippe Adrien a signé une mise en scène "à sa façon", inventive et décalée, intelligente et implacable. Le pari est risqué. Mais c’est l’aboutissement d’un travail en profondeur et un hommage si spécial au Classique, presque un aveu sur le temps qui passe et les pierres qui affleurent encore. Alors, on aime. |