Monologue dramatique écrit et interprété par Nathalie Akoun dans une mise en scène de Olivier Cruveiller.
Une femme seule, des enfants, une mère qui s'évertue à répéter qu'elle est une mère "normale", la menace qui pèse sur ses enfants, et se profilent l'ombre des faits divers concernant les meurtres d'enfants.
Pour cette femme, un jour, tout bascule, : le mari réduit au rôle de géniteur quitte le foyer, le fils adolescent est ramassé ivre dans la rue puis est déféré devant le conseil de discipline pour avoir agressé un professeur.
Avec l'extériorisation du déséquilibre, la société s'en mêle en invoquant la carence éducative mettant en cause la mère "borderline" qui, dans un état récurrent de procrastination, subit une tension intérieure qui l'amène à réagir de manière de plus en plus violente à la sanction sociale qu'elle ressent comme une injustice, une punition et une condamnation.
A la fois fragile, plaintive et butée, adoptant une attitude victimaire, minimisant ou niant la gravité des événements, une simple histoire de clés et une simple attitude insolente, elle refuse toute ingérence dans sa vie privée au nom de ses enfants, ses enfants ont elle déclare qu'ils sont des dieux vivants qu'elle adore, une adoration qui est étrangère à l'amour maternel.
Car elle n'est pas une figure tragique, une Médée contemporaine, mais une femme pathétique, une psychotique restée bloquée dans le monde de l'enfance. Immature et narcissique, elle a remplacé ses poupées par des enfants, des enfants nombreux qui forment sa "couvée" dont un éventuel départ pourra être remplacé par une nouvelle grossesse et qu'en tout état de cause elle gardera toujours auprès d'elle.
Avec "Une histoire de clés", titre bien évidemment à double sens, Nathalie Akoun signe une partition grave, douloureuse et troublante qui plonge au coeur d'une psyché perturbée à la malignité destructrice qui assimile le don de la mort et le don de la vie.
Le parti-pris de mise en scène de Olivier Cruveiller repose sur le caractère unilatéral du récit, qui navigue entre plaidoyer et confession, pour instaurer avec les lumières crépusculaires de Pierre Peyronnet une atmosphère d'inquiétante étrangeté qui sied au caractère subjectif de cette parole "borderline".
Et sur scène, toujours dans la note juste sans verser dans le compassionnel pour livrer les failles d'une femme singulière, Nathalie Akoun, belle comédienne, livre un beau et saisissant travail d'incarnation qui laisse ouvert le champ d'interprétation et de réception du spectateur. |