Seul en scène de Eva Darlan dans une mise en scène de Jean-Paul Muel.
Après les "Divins Divans" qui épinglait les névrosés adeptes du sofa freudien, Eva Darlan revient sur scène, toujours sous la direction de Jean-Paul Muel, avec un nouveau seul en scène décapant et militant.
Eva Darlan qui, comme elle l'a indiqué en interview, est "arrivée à un moment divin, où je n’ai plus rien à prouver à personne, où je n’ai plus peur de rien", livre avec ce "Crue et nue" justement sous-titré "Le manifeste de mon corps", une convaincante et réussie composition mosaïcienne qui tient de l'autobiographie, de la comédie et du combat engagé.
En effet, du particulier au général, de son corps - un corps rescapé de haute lutte entre entre le matraquage puritain d'une mère bigote qui lui enseigne le dégoût du corps, les privautés d'un père libidineux et les violences conjugales - au corps des femmes, elle livre un féroce combat non pas contre les hommes mais contre la phallocratie et pour l'égalité des droits de la femme.
Car la comédienne est aussi une fille de Mai 68 et sait qu'on ne se bat pas seule mais avec les autres et pas que pour soi mais aussi, et parfois surtout, pour les autres, celles qui sont privées de liberté et de parole.
Dans un décor de podium de défilé de mode avec tapis rouge cannois et grand miroir trois faces, elle parle d'elle simplement, évoquant en quelques phrases bouleversantes les premiers chapitres de sa vie, et dresse un "état des lieux de son corps" placé sous le signe d'une roborative autodérision pour son pied rond, son cheveu extra-fin, son ongle "paysan", sa peau molle de rousse et sa cellulite entretenue par ses péchés mignon que sont le chocolat et le champagne.
Sans verser dans la psychologie de bazar, ce spectacle a une fonction cathartique : Eva Darlan livre - et se délivre - un peu chaque soir de tout ce que son corps a subi et qu'elle lui a parfois imposé - et son émotion est palpable au moment des saluts.
Et puis, elle s'attaque aux diktats du jeunisme, de la mode et du fameux idéal féminin qui, selon elle, en sus d'engraisser les multinationales, constituent l'équivalent occidental de la burka et loue "le visage abandonné des femmes qui sont fatigués d'être jeune" qui résistent aux sirènes de la chirurgie esthétique contrairement à celles momifiées de leur vivant ne cessant de clamer leur vitalité telle une certaine Jane F.
Avec elle, la lutte féministe doit être radicale pour lutter contre la violence protéiforme infligées aux femmes, des pratiques mutilantes à la prostitution érigée en libre choix de carrière. Car elle dit sans détours ce qu'elle a sur le coeur et parle "vrai".
Mais que le public se "rassure", si Eva Darlan s'engage et monte au créneau, elle ne confond pas tribune et spectacle et dispense des moments jubilatoires de pure comédie dans lesquelles se reconnaît la fibre ribesienne de celle qui fut une des figures de la série télévisée culte "Merci Bernard".
Ainsi en est-il avec le défilé de mode des seins au cours du 20ème siècle, sa carrière déclinée en chaussures ou de l'inénarrable visite du "matrimoine" dont la primeur est laissée au spectateur. |