Comédie dramatique de Arne Lygre, mise en scène de Stéphane Braunschweig, avec Luce Mouchel, Chloé Réjon, Manuel Vallade et Jean-Philippe Vidal.
Stéphane Braunschweig met en scène "Rien de moi" le dernier opus en date d'un de ses auteurs contemporains de prédilection qu'est le dramaturge norvégien Arne Lygre.
Oeuvrant en osmose avec l'écriture minimaliste de ce dernier qui, en l'espèce, explore le pouvoir des mots et de la parole dans le cadre d'une pièce structurée en tableaux, fragments de vie éclatée sur plusieurs années, qui retrace une histoire d'amour de manière temporelle non pas dans sa réalité tangible et concrète mais dans sa construction intellectualisée et sa représentation verbale.
Dans un white cube inondé de lumière, à peine la trouée d'une fenêtre, sans décor ni aspérité pouvant distraire le regard du spectateur, qui tient davantage de l'espace mental que du lieu de vie, scénographie glaciale dont Stéphane Braunschweig est coutumier, un homme et une femme (dé)clame leur amour tout neuf qu'ils veulent fusionnel et élaborent leur vie à venir.
En l'espèce, pas de mimésis et très peu d'affect : le couple parle de la vie plus qu'il ne semble la vivre. Et ce sont des mots, rien que des mots, déclinés en répliques écrites comme des dialogues homodiégétiques utilisés dans la narration littéraire c'est-à-dire incluant in fine l'incise d'un verbe déclaratif, tel "dis-je", dont le temps de conjugaison indique l'ancrage temporel.
D'autres figures interviennent de manière ponctuelle comme des apparitions mnésiques par lesquelles les personnages se définissent en creux par rapport au passé, telle celle du mari interprété par Jean-Michel Vidal que l'espoir de voir revenir son épouse n'a pas quitté.
Mais également, et surtout, la mère des deux principaux protagonistes, mères qui prennent la mesure de l'autonomie de leur enfant par rapport à la représentation qu'elles en avaient, et les enfants de la femme, le petit garçon qui interroge et la petite fille morte accidentellement, tous quatre incarnés de manière époustouflante et d'une justesse imparable, sans quitter la quasi-immobilité de la position assise sur un canapé, par Luce Mouchel.
Sous la direction "microchirurgicale" de Stéphane Braunschweig, les comédiens réussissent à restituer la partition nonobstant le systématisme du procédé formel singulier d'écriture, exercice de style qui impacte la scansion en introduisant un rythme atypique mais également une artificialité dans le dialogue, celui-ci ne reflétant pas le langage parlé, qui peut déstabiliser le spectateur non averti.
Si dans le rôle du jeune homme, Manuel Vallade n'a pas tout à fait trouvé ses marques notamment vocalement, Chloé Réjon campe parfaitement la femme, une femme souvent douloureuse, le coeur et les larmes au bord des lèvres, douleur de la perte d'un enfant, douleur de celle qui quitte le foyer conjugal, douleur de celle qui ne sera plus aimée, qui ira au bout de cet ultime amour. |