Dans un bar aux tentures exotiques, spécialisé dans les cafés du monde entier, rencontre, un peu avant l'été, avec Orouni. On en profite pour évoquer son troisième album, Grand Tour, aux textures d'une pop anglaise élégante glissant vers d'autres parallèles, les voyages et les rencontres.
Comment rendre les impressions de voyage, d'éloignement, d'espace, de dépaysement, sur un disque comme Grand Tour ?
Orouni : J'ai fait appel à beaucoup de personnes, batteur, tromboniste, violoniste, trompettiste. J'ai ensuite essayé d'ouvrir le champ des sonorités à des instruments que j'ai ramenés de voyage, que ce soit du Brésil, du Chili... pour qu'il y ait une large ouverture de la palette sonore.
Sur "The Sea Castle", tu évoques le Liban. À l'écoute, je ne retrouve pas de sensations liées à ce pays.
Orouni : Je ne voulais pas faire double emploi entre les paroles et la musique. Je cherchais un relief entre les paroles et l'ambiance musicale pour ne pas tomber dans le cliché arabisant. En effet, là c'est un instrument qui vient du Brésil pour une chanson qui parle du Liban, et je ne voudrais pas faire de la samba sur une chanson qui parle du Brésil. Je préfère crever les influences, cela donne quelque chose de plus étonnant. C'est l'idée qui sous-tend Grand Tour.
Il y a aussi de nombreuses photos prises lors de tes voyages qui servent à illustrer l'album. As-tu cherché à t'en servir pour t'exprimer autrement, à travers un art différent ?
Orouni : Après chaque voyage, je mettais mes photos sur un blog qui existe d'ailleurs toujours, qui est plus un carnet narratif dans lequel je notais mes impressions. J'ai fait des centaines de photos lors de ces voyages. J'en ai utilisé certaines pour le livret, d'autres sont encore sur internet, sur Flickr. J'ai aussi créé un site qui s'appelle grand-tour.net où je mets en parallèle certaines photos. Ces rapprochements sont des correspondances entre des lieux, des impressions, comme il peut en exister sur le disque entre la musique et les paroles. J'ai essayé de faire en sorte que ces impressions de voyage soient transmises à la fois par les photos, l'écriture et la musique.
Les voyages ne sont pas que des souvenirs de paysages et de motifs architecturaux, mais aussi des rencontres. As-tu travaillé avec des musiciens locaux ? Plus largement dans quelle mesure ces rencontres ont-elles influencé ton travail ?
Orouni : Il y a eu en effet pas mal de rencontres, qui ne se sont pas concrétisées musicalement, mais qui étaient de beaux échanges de personne à personne. J'allais d'abord dans les pays pour les paysages ou les villes. Mais, en chemin, j'ai rencontré des habitants des pays, ou d'autres voyageurs comme moi. J'en parle par exemple dans la chanson sur le Mali dans laquelle je raconte la façon dont je me suis fait dérober mon appareil photo. Ça peut être des rencontres positives ou négatives. Sinon dans ma chanson sur "The Sea Castle", j'évoque une discussion dont je garde un souvenir ému avec des libanais. Les rencontres ont plus influencé l'album sur le plan humain que musical.
L'opération inRocKs lab t'a-t-elle ouverte de nouvelles portes ?
Orouni : J'ai cette impression. C'était en 2011, nous avions joué à la Flèche d'Or devant environ 500 personnes. Ça a été un de nos plus gros concerts. Pas mal de gens nous ont découverts à cette occasion. C'est néanmoins difficile d'estimer les retombées précises de ce genre d'opération. Mais désormais les inrocks annoncent nos concerts, certainement suite à ça.
Au niveau des collaborations, on te sent très proche de tes partenaires de label, Sauvage Records. Quels sont vos liens ?
Orouni : Les rapports presque "familiaux" qui unissent les membres du label proviennent d'abord du fait que nous soyons amis dans la vie. Au départ, nous avons tous un même amour de la musique. J'aimais la musique des différents groupes, c'est ensuite que j'ai fait la connaissance des personnes. Aujourd'hui, lorsqu'on se voit, il arrive que nous ne parlions pas du tout de musique. Il y a des gens dont j'adore la musique mais avec lesquels, humainement, le courant ne passe pas. Des gens que j'aime beaucoup mais avec lesquels je ne partage pas du tout les goûts musicaux. Là, avec les membres des autres groupes du label, il y a cette sorte d'équilibre.
Pour illustrer ça, on peut parler du groupe De La Jolie Musique. Je n'écoute que peu de chansons en français, or je trouve que Mémoire Tropicale fonctionne parfaitement. On a plein de goûts communs avec Erwann (Corré) pour les mélodies, les cuivres, Elli et Jacno... en plus de bien s'entendre. On doit avoir une conception commune de la musique, dont on n'a d'ailleurs jamais discuté ensemble.
Sur les lives, d'ailleurs, les formations du label ont des membres en commun.
Orouni : Oui. Steffen (Charron), qui joue de la basse avec Orouni, va jouer avec Mina Tindle qui est une ancienne de Sauvage Records. Xavier qui joue dans De La Jolie Musique qui va jouer dans Don't Blame Mexico, qui était sur Sauvage Records avant de signer chez Vietnam. Il faudrait un énorme graphique pour illustrer les liens entre les musiciens. Effectivement, on partage beaucoup de choses, on a une sensibilité commune et c'est comme une grande famille.
Sur scène, ton album sonne plus rock que sur disque, c'est un choix ?
Orouni : Il y a le stress qui me fait jouer plus vite, c'est peut-être cela qui donne cette impression. Mais il y a aussi l'envie de donner plus d'intensité lorsque le disque est plus nuancé. Notre batteur de scène, Dimitri, est assez puissant, alors que le toucher de Jean Thévenin, sur le disque, recherchait plus la nuance. Ma conception du live, c'est qu'il faut envoyer pour des chansons rock.
Quel sera ta prochaine destination ?
Orouni : Ce sera des vacances, en Grèce, avec des amis du label. On sait déjà qu'on aura de bons moments et de beaux échanges, tant sur le plan amical que musical.
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