En musique, pour que ça marche, il faut du talent et de la chance. Par exemple, si vous êtes un groupe anglais de pop et que vous avez sorti un disque honnête le premier juin 1967 (c’est-à-dire en même temps que Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band), bon bah c’est mort, personne ne l’a remarqué, il a dû être redécouvert vingt ans plus tard, si vous avez de la chance.
Plouf, plouf... Jouons à un petit jeu : je suis une fille, qui chante en mélangeant français et anglais, avec des effets de voix, de la reverb, des petites vocalises et avec des arrangements plutôt électroniques je suis... je suis... Mina Tindle ! Je sais, vous pensiez à Christine and the Queens, c’était un piège. Vous voyez, le facteur chance dont je vous parlais plus tôt. Donc oui, même si évidemment nous sommes dans deux univers totalement diffèrents, Mina ne danse pas et n’est pas un concept, mais elle sonne parfois comme Christine. Et c’est bien dommage.
Je ne vais pas vous mentir, à la première écoute je n’ai pas vraiment accroché, j’ai trouvé ça sur-produit avec une voix trop lointaine, et je n’ai pas vraiment été convaincu par les arrangements trop électro à mon goût et manquant de naturel. Et là je me suis dit, oui je me parle souvent à moi-même, je me suis dit : "mais enfin, tu aimes bien Mina Tindle normalement, tu l’as vue plusieurs fois en concert, tu as été subjugué par sa voix, son charme, ses mélodies et là tu vas me faire croire que ça ne marche pas, que ce n’est pas bien et tu vas faire ton hater et la comparer à une danseuse ? Ce n’est pas très gentil quand même". Alors comme on ne juge pas un livre à sa couverture, j’ai décidé de réécouter, calmement, posément, en oubliant tout.
Et soudain j’ai compris, soudain l’album s’est offert à moi. Ma première impression ? C’était ma faute, j’en attendais tellement de ce disque, je voulais tellement qu’il soit comme je l’avais imaginé que la surprise passait mal, j’avais été un mauvais amant. Celui qui se précipite, qui pense qu’il suffit d’un sourire pour faire glisser un chemisier, j’avais été trop pressé, un goujat, un mufle, bref un homme.
Parades se dévoile comme une jeune fille avec douceur, patience et sans précipitation, il faut savoir lui parler. Une fois déshabillé, ce disque recèle de trésors qu’on découvre avec malice et gourmandise, comme on découvrirait un piercing au nombril ou un tatouage. On en viendrait presque à dire des choses que l’on regretterait plus tard, des "je ne veux plus écouter d’autre disque que toi", des "tu es le disque que j’ai toujours attendu", mais comment ne pas fondre à "Ta Peau" ? "Dehors", "Plein Nord", partout !
Une fois qu’on y a goûté, qu’on a pris le temps de le savourer, il s’installe dans le cœur et la tête, "Pas Les Saisons" devient entêtant et obsédant tout comme le final sautillant de "I Command", oui, tu commandes, tu fais ce que tu veux de moi. Mina joue avec sa voix, la multipliant, l’ondulant, à la fois douce et puissante, jouant avec les styles et les distances. Cela donne un disque une richesse rare, alternant envolée rythmique et délicatesse, un vrai bijou.
Je pense que je vais devoir offrir un bouquet de fleur à Mina pour me faire pardonner d’avoir douté d’elle un instant...
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