Réalisé par Bruno Ballouard. France. Comédie. 1h30 (Sortie le 22 octobre 2014). Avec Salomé Stévenin, Mehdi Dehbi, Bruno Clairefond, Thomas Chabrol, Xavier Robic et Catherine Jacob.
Enfin un film indépendant français sans Vincent Macaigne ! Ouf ! Bruno Ballouard, pour son premier long-métrage, ne s'est pas laissé vampiriser par le barbu le plus célèbre dans le microcosme du jeune cinéma officiel.
Pour le grand retour du "road-movie" à la française, il a préféré une triplette d'acteurs "frais" et "dispos" avec à leur tête, non pas un néo-brechtien qui se gratte ses cheveux sales, mais un type rigolard, moustachu, avec quelque chose de l'insolence ahurie de Patrick Dewaere et un petit rien du jeune Giraudeau de "Viens chez moi, j'habite chez une copine".
Il s'appelle Bruno Clairefond et a, en plus, déjà le début du nez de Seymour Cassel, ce qui suppose qu'à l'instar de Xavier, son personnage, il ne suce pas que de la glace, et qu'il y a en lui aussi un soupçon de proximité avec l'univers de John Cassavetes.
Bruno Ballouard sera évidemment content que son film sympa, ni trépidant ni languissant, suggère autant de références. Il doit aussi s'attendre à un rapprochement, par forcément juste, avec le Bertrand Blier du début, alors que "Lili Rose" fait plus penser au premier film de Xavier Durringer, "La nage indienne", le souci de l'écriture qui s'écoute en moins.
Car "Lili Rose" est avant tout un film libre où glander est érigé en doctrine sans discours, en art de vivre au jour le jour, une bière dans une main, le volant d'une caisse pourrie, mais sympathique, promue quatrième personnage du trio, dans l'autre. Mine de rien, Bruno Ballouard fait cohabiter un instant dans un joli périple vers la mer deux manières de filer vers la trentaine.
Salomé Stévenin, jeune cadresse promise aux postes de décision, se rallie l'espace d'une virée au mode de vie de l'étudiant en rupture d'études et de son copain beur bien assimilé dans la société française puisqu'il se permet le luxe de la marginalité tranquille.
Sur leur route, ils croiseront Thomas Chabrol en personnage de clochard céleste directement issu de tout un autre cinéma de la paresse heureuse auquel Ballouard rend également hommage sans trop en faire... On pense alors à Joël Séria, Claude Faraldo et au papa de Salomé Stévenin, Jean-François, et l'on inscrit illico cettre tranche cinématographique joyeuse et dénuée de toute prétention aux côtés de "Deux Lions au soleil" ou de "Double messieurs".
Avec "Lili Rose" de Bruno Ballouard, l'anarchisme au cinoche reprend des couleurs. À l'inverse de ses devanciers cités, il n'a pas besoin d'être provocateur, mais simplement évocateur.
Deux gars et une fille, depuis le sentencieux François Truffaut on sait ce qu'il en advient. Le petit plus "moderne" de Ballouard sur Truffaut ou Faraldo est de ne pas en faire ni un drame ni un vaudeville.
Ici, le triolisme n'est pas une figure décidée, pensée, théorisée, mais un appel irrésistible de la sensualité dans des circonstances exceptionnelles où la liberté l'emporte sur la raison et l'appartenance sociale...
Salomé Stévenin est parfaite quand elle se lâche et Ballouard évite le scabreux, on pourrait presque dire avec élégance.
Qu'adviendra-t-il de lui après "Lili Rose" ? Saura-t-il aller ailleurs ou se condamne-t-il à la même marginalité que tous ceux qui se sont aventurés trop loin hors des chemins trop rebattus du cinéma français ?
Tout cela est une autre histoire. Pour l'instant, il faut refuser le cinéma climatisé qui règne et venir savourer "Lili Rose" de Bruno Ballouard et commencer à retenir le nom de Bruno Clairefond. On lui prédit un grand destin qui, fatalement lui fera bientôt croiser la route de Vincent Macaigne... |