Réalisé par David André. France. Documentaire. 1h22 (Sortie le 22 octobre 2014).

Les téléspectateurs qui auront vu "Chante ton bac d'abord" sur France 2, le dimanche 19 octobre 2014 à 22 h 45, et les spectateurs qui le verront en salles à partir du mercredi 22 octobre, seront sans doute tous d'accord : David André a su saisir quelque chose de la "vraie vie".

Son portrait d'une bande de lycéens en terminale à Boulogne-sur-Mer ne souffre aucune contestation : ses grands ados en plein doute devant ce rite de passage qu'est le baccalauréat ressemblent à ceux qu'ils connaissent ou côtoient près de chez eux.

Même si le titre du documentaire se réfère au film de Maurice Pialat, "Passe donc ton bac d'abord", en lorgnant plutôt gentiment du côté de Jacques Demy, il n'y a pas beaucoup de rapport entre ces jeunes gens des années 2010 et leurs homologues lensois filmés trente ans avant par le cinéaste bougon.

Au naturalisme maniéré de Pialat, mâtine de ses a-priori pas très progressistes, s'oppose le travail brut de décoffrage de David André. Lui, ce n'est peut-être pas un monstre sacré du cinéma, mais, au moins, il aime son club des cinq boulonnais.

On lui saura déjà gré de n'avoir pas fait un "casting" de lycéens, ou de l'avoir si bien fait qu'on pense qu'il n'en a pas fait... En effet, chacun d'entre eux, sans nier sa personnalité ni le poids original de son histoire propre, paraît ne pas être un cas "spécial".

Sans tomber dans la sociologie ni la statistique, David André décrit le quotidien, les affres et les espoirs de lycéens provinciaux. Il leur permet, par l'intermédiaire de la chansonnette que chacun d'eux interprète pendant le film, de se définir eux-mêmes. Et, qu'ils chantent bien ou pas, tous parviennent à toucher le spectateur, à lui donner de quoi comprendre avec bienveillance ce qu'être jeune en France veut dire aujourd'hui.

Parfois, on a même un peu peur pour ses jeunes provinciaux qui se dévoilent si naïvement. On espère qu'aucun "décideur" ne se penchera sur ce portrait d'une jeunesse fraternelle, gentille, complètement hors du champ politique, et donc parfaitement "roulable dans la farine".

Ce Rimbaud sans cause, cette midinette qui rêve d'être actrice, leur copine plus pauvre et déjà soumise à sa pauvreté future, ce rigolo aux cheveux rouges et cette cavalière un peu à part dessinent une France petite blanche encore ouverte à l'autre, mais sans contact avec l'altérité.

Jadis, on parlait de "jeunesse morale", "Chante ton bac d'abord" de David André montre avec talent des jeunes enfermés dans leur jeunesse et pour qui "politique" et "morale" ne sont que des sujets de bac philo. L'examen est pour eux le signal que le "bon" temps est terminé, qu'ils vont bientôt quitter ce moment de pseudo-insouciance qu'est l'enfance.

Que deviendront-ils, après ? Lesquels seront les cyniques qui "réussiront", lesquels seront les désespérés qui désespéreront ? Combien d'entre eux voteront "Front national" ? Ils ont beau chanter encore un peu, ils vont bientôt tous déchanter.