Spectacle clownesque conçu et interprété par Chloé Bourgeois, Karin Larivière et Hélène Risterucci.
Trois des fondatrices de la Compagnie Canon axée autour du bouffon et du clown au féminin ont réunis "leur" clown dans une partition aussi décapante qu'hilarante qui explore et épingle la figure féminine à travers une cérémonie de mariage.
Elles forment le trio des "Serial Tulleuses" qui évoque une déclinaison clownesque des trois Grâces, des trois marraines-fées et des trois Parques réunies et liguées pour pourrir le mariage de Sylvain et Carole, surtout de Sylvain.
A moins que ce ne soit la même amoureuse transie en proie à une triplication psychotique ou les trois instances de la topique freudienne, les spectacles de clown comportant souvent plusieurs niveaux d'interprétation laissés à la sagacité et à la sensibilité du spectateur.
Cela étant, il ne faut pas se fier à la mine mutine qu'elles arborent sur l'affiche émergeant d'une chantilly de tulle blanc comme une triade angélique.
Cauchemar des wedding planners, elles font leur entrée sur la pointe des pieds, en demoiselles d'honneur empêtrées dans la traine, non sur la traditionnelle marche nuptiale de Wagner mais sur une musique lugubre qui n'augure rien de bon d'autant qu'elles sont bizarrement attifées et porteuses de l'emblématique nez rouge.
Et ces harpies vont sévir tout au long de la cérémonie, à l'église, à la mairie, au vin d'honneur et au bal de manière délirante avec une dévastatrice malignité auto-alimentée.
Sur le plateau nu, pourvu d'un seul élément de jeu, une porte, symbolisant la frontière de leur monde, les Serial Tulleuses officient dans un registre qui, bien évidemment, n'est pas celui de l'antique clown circassien "bonjour les p'tits zenfants".
Dans une cacophonie de dyslexiques handicapées de la vie, la clown de Karin Larivière, épatante dans le numéro de vestiaire rétif, campe Marcelle, la petite emperruquée à tête de poupée Chuky, est la maladroite patentée et gaffeuse qui officie comme maire et curé, prophètes des malheurs à venir car si la vie est dure c'est pire à deux.
Hélène Risterucci s'avère impressionnante en grande bringue vêtue de rouge, caricature du Ça pulsionnel, qui n'en finit pas de se cogner aux portes de la vie sur lesquelles s'écrasent une féminité hystérique et ses illusions amoureuses.
Entre les deux, Rita, avec son tutu turquoise et son bonnet de bébé rouge qui la fait ressembler à la petite Télétubbie Po, émanation du Surmoi coincé et modérateur modérateur, est campée par Chloé Bourgois hilarante dans le rite des cadeaux quand, déguisée en pièce montée vivante, elle parodie l'actrice-chanteuse Carmen Miranda spécialiste des comédies tropicales des années 1940 et du port de turbans agrémenté d'un gratte-ciel de fleurs ou de fruits à fleurs et à fruits, entonnant la mémorable chanson "Chica Chica Boom Chic".
Jubilatoire tout en navigant dans l'ambivalent univers parallèle du clown, une pépite à découvrir. |