Les avez-vous recensés ? Ou compté ? J’imagine que non. Ils sont tellement nombreux. Mais ils ne sont jamais trop. Ceux qui inventent le futur. D’un arbre des possibles à l’effet papillon, des romanciers scientifiques au commun des mortels, nous avions oublié les artistes-auteurs-compositeurs dans l’équation. Gill’us est de ceux-là. De fil en aiguille, de la réalité à l’imaginaire, il a réinventé le futur de la planète.
Et il nous l’offre dans son nouvel album Aquatiques. Un pur bijou, entre Georges Orwell et un pingouin trafiquant de banquise pour ours en détresse. L’idée : nous en 2113, pas si loin que ça. Le réchauffement de la planète est déjà annoncé, la fonte des glaces est déjà amorcée. Techniquement, nous sommes toujours dans l’ère glaciaire puisque de la glace persiste aux pôles. En 2113, nous serons techniquement dans une nouvelle ère. Gill’us s’éloigne de Waterland et du peuple aux pieds palmés pour nous envoyer directement dans son délire.
Le monde est recouvert d’eau, la taille des continents relève de l’absurde. Oui, mais techniquement, la planète fonctionne toujours (tectonique, volcanisme, nucléaire et biomasse). Un nouveau continent émerge de toute cette flotte. Avec un nouveau peuple (toujours pas de Kévin Costner à l’horizon, non). De nouvelles lois et une Assemblée qui carbure au Dance-floor.
Gill’us pousse le délire jusqu’à proposer un livre-CD. Oui, un peu comme Jasmine et Ali sur le tapis, ils ne seraient rien sans le rêêêêêveeee bleeeuuuuu. Le "2113" possible de Gill’us n’est rien sans "Aquatiques". Au son électro, ragga reggae, et ce bruit que fait Alex Kid quand il explose un caillou avec son gant de boxe, ce crash de Luigi sur une foutue peau de banane, ou ce bip d’ascenseur qui clignote au détour d’une parole.
Electropical nous dit Gill’us. En effet, j’entends la même chose quand j’abuse de ces adorables cocktails servis dans des noix de coco évidées (ou des ananas les mardis, jeudis et samedis), avec une paille, du sucre, des bulles et des fleurs dans les cheveux. Tiens, voilà le pingouin ! Eh ! Tu refourgues toujours de la glace mec ? Amène-toi, ce n’est pas bon quand c’est chaud !
Gill’us est seul à poser sa voix sur la galette, seulement, je suis à peu près sûre qu’il est plusieurs à l’intérieur. Grave, doux, sensuel, tendre, exagérément articulé, meumeumé, râpé, égorgé, popisé, flouté… ses tons de voix ne se laissent pas impressionner par les qualificatifs. Et sa musique ? Electro, toujours, électro, encore, flute, guitare, violon, cordes tendues partout, planches disjointes, cornes et trompes, langues… Il sait tout faire. Et il joue avec ses pieds aussi. Et avec ses greffes de doigts, il en a 26 à chaque main. Pratique. Et balèèèèze !
Ne disposant pas du livre associé au disque, il me manque des paramètres pour définir le continent, mais il m’en reste assez pour comprendre que Gill’us est incomparable, expérimental, exceptionnel, talentueux, audacieux, doué… et mutli-zophrène (pour notre plus grand bien). Pour le plus grand bonheur des oreilles dans lesquelles l’album osera furtivement se glisser.
C’est unique et tout neuf, prenez et buvez en tout, ceci est une œuvre d’art.
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