Spectacle conçu et interprété par Christine Armanger.
Fondée en 2012, la jeune Compagnie Louve possède déjà à son actif deux créations singulières et novatrices intervenant dans le registre performatif et la pluridisciplinarité artistique.
"Pourpre" propose une exploration de l'étrangeté et la violence du désir autour de l'objet qu'est le corps féminin, et "Sophie" décline cette thématique autour de la femme en devenir qu'est la petite fille et la figure symbolique et ambivalente de la poupée.
La comédienne-danseuse Christine Armanger a conçu ce spectacle à partir d'une réflexion nourrie des univers croisés de trois artistes de la même génération nés à l'aube du 20ème siècle hybridés avec les représentations littéraires de la petite fille transgressive que sont Alice de Lewis Carrol et Sophie de la Comtesse de Ségur.
Force est de constater que l'écriture chorégraphique, théâtrale et plastique du spectacle, qui vise à solliciter l'imaginaire du spectateur et à lui proposer une interactivité ludique à partir de l'iconographie du peintre Balthus fasciné par la beauté et la figure ambiguë de l'adolescente et le mystère de la métamorphose lors de la perte de l'innocence de l'enfance et du travail de Hans Bellmer autour de la poupée, objet transitionnel de l'enfant mais également créature érotique propre à explorer la "mécanique du désir" dont les photographies ont inspiré puis illustré la série de poèmes "Jeux vagues de la Poupée" à Paul Eluard, est une parfaite réussite.
En effet, elle ne verse jamais ni dans l'illustration ni dans la transposition et cette variation inspirée se traduit par une création personnelle, originale et aboutie portée par l'incarnation, le jeu et la maîtrise de la dramaturgie du corps de Christine Armanger.
L'espace scénique au coeur d'un dispositif trifrontal évoque une aire de jeux pour enfants sages avec ses puzzles, son parcours de croquet formé de flamants roses et sa machine à barbe à papa que le public est invité à investir avant que ne retentisse une maternelle injonction de gagner les sièges.
De l'obscurité émerge une figure féminine en robe blanche brodée de petite fille qui va s'animer comme une poupée articulée et s'échapper de son petit théâtre intime, traversée du miroir, pour explorer sans inhibition le monde du désir et son étonnant bestiaire composé de flamands rose, scorpion et renards-fourrure.
Cette petite fille chrysalide explore déjà les champs du désir avec un sens aigu de l'érotisme et de ses marges et Christine Armanger lui prête son corps de femme diaphane, chevelure rousse et corps à la peau de lait qui évoque l'archétype féminin du peintre symboliste Jean-Jacques Henner.
La scénographie de Marinette Buchy et le travail très élaboré des lumières crépusculaires de Lucas Doyen et du son de Benjamin Thuau, tel par exemple le bruit appuyé de pas dans un escalier qui renvoie à l'escalier bellmerien, installent et soutiennent l'atmosphère d'inquiétante étrangeté dans laquelle l'officiante lance ses rets. |