Comédie de Marivaux, mise en scène de Anne Kessler, avec Catherine Salviat, Éric Génovèse, Florence Viala, Loïc Corbery, Stéphane Varupenne, Georgia Scalliet, Adeline d'Hermy, Claire Boust, Ewen Crovella, Charlotte Fermand, Thomas Guené, Solenn Louër et Valentin Rolland.
S’il demeurait une seule œuvre, pour témoigner du génie français, sans doute s’agirait-il d’un Marivaux. Arlequin aime Silvia et en est payé de retour. Mais le Prince aime également la coquette. Il l’enlève secrètement et la livre aux machinations de l’intrigante Flaminia.
Sans se démasquer, celle-ci va détacher Silvia d’Arlequin et Arlequin de Silvia. La jeune galante s’éprendra enfin du Prince, caché sous la fausse identité d’un officier et Arlequin oubliera sa bien-aimée dans les bras de Flaminia. La ruse triomphe et l’inconstance se dévoile. L’amour est donc bien frêle.
"La Double Inconstance", fable amère, dont l’élégance de langage suffit à créer bien des nostalgies, ne nécessite pas de mise en scène alambiquée, tant sa clarté s’impose.
Néanmoins, Anne Kessler, belle comédienne, a imaginé une scénographie élaborée, superposant des costumes d’époque, des musiques world et de coffrets "Joyaux de la musique classique", avec de l’anglais - langue unique du village global - de la guitare latinos, beaucoup (trop ?) de mouvements, des effets très colorés, tout ceci évoquant un millefeuilles trop sucré, recouvert de coulis rouge.
Trop de musiques, ce vice momentané du théâtre, comme une peur des silences, de la qualité du texte, de la plénitude des mots…
Malgré cela, par la qualité de la troupe, on retrouve et on redécouvre toujours Marivaux. Stéphane Varupenne, comme d’habitude, excelle dans le rôle du pataud Arlequin, devenant roué et brûlant de désir, tandis que Florence Viala, remarquable, incarne avec feu une Flaminia retorse et aimante.
Loïc Corbery est un prince fort charmant, Eric Genovèse, un sombre valet plein de hargne, et Catherine Salviat ajoute son grand métier, drôlement travestie en seigneur, impressionnante. Georgia Scalliet, Lisette et Adeline d’Hermy, Silvia, souffrent le plus des choix de mises en scène, affublées de costumes ingrats, mais savent toutefois imposer leur talent.
Somme toute, un agréable moment, et une écoute parfaite, malgré la musique, d’un texte qui n’a besoin de rien d’autre pour donner son émotion, avec les belles lumières d’Arnaud Jung. Et la douce amertume de Marivaux, au sourire plein de larmes… |