Méryl Pinque se prête au jeu de la nouvelle pour son premier ouvrage de fiction. Auparavant critique littéraire et fervente militante du droit des animaux, elle s’est déjà essayée au roman pour Sherlock Holmes : L’ombre du héros, a collaboré aux Cahiers de l'Herne consacrés à Colette et dirige un manifeste. Elle pratique donc assidûment l’exercice de l’écriture, et ça se voit.
Dès les premières lignes, les tournures de phrases, à la fois fluides, longues et recherchées laissent présager d’un bon moment de littérature. La caricature de Dieu est un sacré recueil de 13 nouvelles sacrément bien montées. Sacré nom de nom. Oh ça va, un petit blasphème de temps en temps, ce n’est pas la fin du monde.
Je peux vous le dévoiler ici, puisque le titre du recueil est également celui de la première nouvelle : La caricature de Dieu, c’est nous, simples mortels, dessinés par Satan pour faire rire Dieu. Et il a ri, il a tellement ri qu’il en rit encore jusqu’à la fin des temps. Cet humain, créé à l’image de Dieu et de Satan, à la fois bagarreur et amical, aveuglé d’égoïsme et de charité, surestimant sa domination sur sa propre espèce, prétentieux et gonflé d’orgueil, amoureux et engagé. Le Bien et le Mal se côtoyant dans un même corps dénué d’écailles, de griffes ou de plumes.
Voilà le sujet des nouvelles de Méryl Pinque. Un projecteur féroce braqué sur les travers de l’humanité, un questionnement sur ce que nous sommes réellement en train de laisser en héritage au système solaire. Que diraient de nous des êtres venus d’ailleurs ? Après avoir lu Méryl Pinque, l’envie de détruire un peu de tout ça vous chatouillera.
Sur différents tons, avec des points de vue différents, des niveaux de langue différents, pas une nouvelle ne ressemble à la précédente. Ni à la suivante. D’une jeune fille mariée de force à un mari tortionnaire au nom d’une tradition inventée par des ancêtres dont on a oublié le nom (mais pas l’esprit borné), d’une pauvre bourgeoise délaissée par un mari superficiel, d’un dictateur persuadé de sa vertu, des foules en délire pour de la pacotille… La société moderne est disséquée à la moulinette par la plume de Méryl Pinque.
Vous ne serez pas désespéré à la lecture de ce recueil, ni blasé. L’auteure a la plume suffisamment éclairée pour nous faire réfléchir à nos propres choix. Parce que ce genre de lecture nous renvoie forcément à nos petites identités, au regard que nous portons sur ces mêmes scènes. Et même si nous sommes d’accord avec elle, Méryl Pinque a le verbe idéal pour traduire nos combats intérieurs en belle littérature.
Dérangeant, cynique, révoltant et juste, La caricature de Dieu vous emporte au-delà de vous-même, loin de la dualité Dieu-Satan, parce que la vie n’est pas toute verte ou toute rouge, elle est plutôt rose-orangée. Méryl Pinque ne se contente pas de nous montrer là où nos plus mauvais choix peuvent nous mener, elle nous met en scène dans les choix des autres, confronte nos positions et nos regards, et élargit nos pensées à l’échelle du genre humain.
Ses nouvelles seraient un peu des contes philosophiques, nous montrant ce que nous savons faire de pire pour nous aider à prendre les armes pour le combattre. Un peu comme Maman Chevreau qui découpe le ventre du grand méchant loup pour récupérer sa marmaille. Suffit d’une paire de ciseaux.
"Le genre humain : y a pas mieux pour se divertir". |