Dix années de carrière. Un maxi et quatre albums indispensables : Teaser for: Matter (2004), Oulipo Saliva (2007), The And (2010), NOW (2012), Angil and the Fucking Hiddentracks (2013). Et puis Lines qui vient clore cette belle discographie. Car oui, l’histoire se termine. De bien belle manière, certes mais elle se termine quand même. Et sincèrement, même si l’on sait que les musiciens continueront à jouer sous différentes formes, on ne peut cacher une certaine amertume. Il suffit d'écouter les quatre titres de ce dernier EP, presque quintessence du style des Français pour se rendre compte de la richesse de ce groupe, de cette capacité à faire une pop intelligente et facile, à jouer avec les mots, les rythmes et les mélodies. Pas assez pop, pas assez fils de Daho, trop en avance, Angil and the Hiddentracks n’a jamais rencontré le succès pourtant largement mérité. Il n’est jamais trop tard pour se rattraper.
Comment vis-tu la sortie de ce dernier EP ?
Mickaël Mottet : Ravi qu'il voie le jour sous forme physique, grâce à We are Unique et Microcultures. Et donc aux gens qui l'ont précommandé, concrètement. Je pense que le tout qu'il forme avec le EP précédent (Fucking) est cohérent, bizarrement, alors que les conditions dans lesquelles ils ont été enregistrés sont diamétralement opposées. On sortira vraisemblablement les deux sous forme d'album numérique, sur Bandcamp, en janvier. A titre posthume, donc.
Quel regard as-tu rétrospectivement sur votre carrière ?
Mickaël Mottet : Très très fier. C'est chouette d'avoir eu la reconnaissance de nos pairs, de gens dont l'avis comptait à nos yeux.
Le plus beau moment ? Le plus difficile ?
Mickaël Mottet : Le plus beau : s'il ne fallait en tirer qu'un, ce dernier enregistrement me paraît emblématique. On a pris beaucoup de plaisir, et on a enfin enregistré nos chansons en prise live ; je ne regrette rien des méthodes utilisées dans les disques précédents, mais il était temps que ça arrive, ce vieux fantasme de se mettre tous ensemble dans une même pièce.
Le plus difficile : un conflit récent entre un Hiddentrack et moi, qui a été un moment un peu hard core pour tout le monde.
Pourquoi arrêter ?
Mickaël Mottet : Lassitude, précarité, syndrome de Don Quichotte. Mais ce n'est pas une fin triste. Je suis juste allé au bout d'une décision qui nous pendait au nez depuis plusieurs mois.
Comment analyses-tu votre carrière ?
Mickaël Mottet : Cela me fait bien marrer, quand j'y pense. On a été le poil à gratter de certains discours normalisants, et malgré notre apparent manque de sérieux par moments, on a fait de belles réalisations grâce à des personnes qui nous ont fait confiance. Notre histoire est ponctuée de ces engagements, aides de différentes natures, petits mots rassurants et grands textes hallucinants par autant d'individus, comme des bouées repères.
Comment et dans quelle atmosphère se sont déroulées les dernières séances d’enregistrement ?
Mickaël Mottet : Détendue. Avec un fond un peu triste parfois, bien sûr. Mais on n'a pas dramatisé. De toute façon, c'est difficile de dramatiser quand Thomas, Flavien ou Pierre-Alain sont dans le coin.
Peux-tu nous parler du rapport que tu entretiens avec l’agogie, la rythmique hip-hop et la musique noire américaine, peut-être plus présente dans ce disque, cette complicité que tu entretiens avec le jeu de batterie de Flavien Girard ?
Mickaël Mottet : Depuis NOW, le travail batterie/guitare/voix était l'épine dorsale du groupe. Ma complicité avec son jeu de batterie tient sans doute de ma complicité avec sa personne... C'est un batteur et un garçon incroyable. L'agogie, dont il a fallu que je cherche le sens sur Wikipédia avant de te répondre, soyons honnêtes, est une marotte depuis Teaser for : Matter. C'est vraiment sur cet album que s'est cristallisée mon obsession un croisement entre des rythmiques hip-hop, voire rnb moderne, et le songwriting pop. Ça ne s'est jamais démenti. La seule différence par rapport à il y a dix ans, c'est que pop à guitares me laisse de plus en plus de marbre, alors que les derniers albums de M.I.A., Beyoncé ou Kanye West me semblent être parmi les trucs les plus excitants que j'aie entendus.
Peux-tu nous parler du texte de Lines ? Parle-t-il d’Angil ?
Mickaël Mottet : Je peux difficilement en parler de manière directe, parce que ça touche une personne qui n'aurait aucune envie d'être citée. C'est un texte sur un autre conflit survenu dans le cadre du groupe - il ne faudrait pas croire que notre route a été de tout repos. A en croire les quelques personnes avec qui on s'est engueulées depuis le début de notre histoire, je suis même une sacré merde, humainement. J'espère qu'ils ont tort, et que celles avec lesquelles je ne me suis PAS engueulé, et qui sont quand même majoritaires, me défendront à mon enterrement ! En tout cas, les textes que j'ai écrits ont toujours été un exutoire, et celui-ci parle précisément de ma résistance à écrire "sa" chanson, pour une fois. C'est un texte sur un refus d'écrire un texte.
D’où vient ce choix d’une prise de son très sèche, presque crue ?
Mickaël Mottet : J'ai donné un cahier des charges assez restrictif à Michael Wookey, qui a produit ce maxi : réduire le plus possible le nombre de micros, ne rien utiliser d'artificiel pour nous séparer. Je me souviens de ses premières réponses : "OK. Mais euh, il y aura quand même une seconde pièce pour la batterie ?" Ha ha ! Non, non, Mike, tous dans la même pièce. La batterie repissera donc partout sur les autres micros, mais ce sera à nous de "jouer-mixé", en se répartissant bien dans la pièce, et en étant prêts (un enseignement du maxi précédent). Mon enregistrement idéal, c'est : une paire de micros suffisamment bien placés, et des musiciens qui jouent intelligemment, en écoutant les autres. Ce serait impossible avec un batteur déficient mental, comme on en croise beaucoup, mais c'est un pari possible avec Flavien. C'est l'une des clés de ce groupe, l'intelligence de Flavien.
Terminer l’EP sur un titre comme "The Major Chords", c’est la volonté de terminer sur une note positive ? Optimiste ?
Mickaël Mottet : Absolument. Et un bilan aussi honnête que possible sur ma vie : il y a trois ans, j'ai choisi les accords majeurs. J'ai rencontré la femme de ma vie.
Quel sera le futur ?
Mickaël Mottet : Chacun des Hiddentracks a un ou plusieurs projets. On collabore, on essaie de se voir régulièrement. L'entité existe aussi toujours comme groupe de Michael Wookey, dont je réécoute souvent l'album en ce moment, en me disant que c'est vraiment l'une de leurs plus belles réalisations.
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