Réalisé par Jaime Rosales. Espagne. Drame. 1h43 (Sortie le 10 décembre 2014). Avec Carlos Rodríguez (II), Inma Nieto, Fernando Barona, Ingrid García Jonssonn Juanma Calderón, Patricia Mendy et Miguel Guardiola.
Il y a un mystère Jaime Rosales. Si l'on s'adonne à la facilité de raconter le scénario, il suffira d'une ligne pour résumer celui de "La belle jeunesse" et les quelques mots jetés sur le papier risquent de décourager les spectateurs qui n'aiment pas que le cinéma soit plus déprimant que leur vie, qu'il soit "thinner than life".
Ceux qui ont vu, sur les conseils de Froggy's Delight, "Rêve et Silence" se souviennent certainement de ce film désespérant dans lequel un homme devait survivre à sa fille morte dans un accident dont il était responsable.
On avait, à l'époque, qualifié Jaime Rosales de "passeur de l'intime". Avec "La belle jeunesse", il poursuit sur la même route austère un cinéma apparemment clinique. Pourtant, Jaime Rosales, en véritable artiste, ne se contente pas de suivre des personnages au tréfonds de leur désarroi. Il sait que le constat est l'ennemi de l'art et quitte rapidement le terrain de la description pour partir dans l'inconnu à la recherche de l'informulé.
"La belle jeunesse" n'est donc pas seulement l'histoire attendue et sans solution d'une jeune femme qui ne trouve pas de boulot et qui tombe enceinte dans une Espagne en crise, elle même victime de son vain rêve de devenir la seconde puissance économique de l'Union européenne.
Les personnages de Jaime Rosales paraissent d'une banalité statistique affligeante, conformes en tous points aux addictions de leur génération, pareillement manipulés par l'environnement consumériste. Caractérisé par la trivialité de ses rapports sexuels, par l'absence de toute culture, par un vide existentiel qui n'est plus contrebalancé par une religion consolatrice, le couple formé par Natalia et Carlos est voué au marasme d'une vie morne.
"Heureusement", l'enfant non désiré apporte l'élément décisif pour briser cette routine mortelle : Natalia va se "bouger" sociologiquement. Jaime Rosales sait cette génération de jeunes Espagnols contrainte à une nouvelle émigration.
Qu'arrivera-t-il là-bas à Natalia, cette jeune femme qui feint encore d'avoir des illusions à usage d'un "skype" avec sa famille restée dans la désillusion espagnole ? Le rêve allemand ne sera-t-il que la poursuite par d'autres moyens du cauchemar espagnol ? "La belle jeunesse" de Jaime Rosales laisse la possibilité du possible, même si la pente empruntée par Natalia lui sera peut-être fatale.
Entomologiste pessimiste, qui ne désespère pas toujours des solidarités familiales et des fraternités générationnelles, Jaime Rosales a le mérite de vouloir ouvrir des yeux qui ne regardent plus rien, sauf des images strictement calculées où l'émotion ne dépasse pas la dose prescrite par la posologie libérale.
"La belle jeunesse" de Jaime Rosales est un film exigeant qui travaillera ceux qui vaincront leurs réticences face à un cinéma qui n'a pas pour but de divertir mais d'avertir. |