Il y a une énigme Iceage. Font-ils réellement du post-punk ? Comment ont-ils réussi à sortir deux premiers disques plutôt pas mauvais et être aussi catastrophiques sur scène ? Ne sont-ils pas juste trop jeunes ou leurs influences (grosso modo de Cobain à la Joy Division) à peine digérées pour être honnêtes ? Qui se soucie encore d’Iceage ?
Ce Playing Into The Field Of Love risque d’ajouter encore du mystère et désorienter ceux qui avaient apprécié New Brigade ou You’re Nothing. Terminé la puissance parfois désordonnée. Terminé aussi cette certaine façon de passer en force, cette nervosité où les Danois confondaient parfois brièveté et précipitation. Dans le torrent de ce que vous voulez, en fonction de votre degré d’amour pour la musique d’Iceage, qu’était You’re Nothing se cachait une vraie perle : "Morals" qui, avec ses accents amers et spleeniens, connotait avec le reste du disque. Ce titre, heureusement pour nous, malheureusement pour les fans de la première heure était les premiers symptômes de ce qu’allait devenir le groupe et était un marqueur de sa future évolution.
Iceage garde l’intensité, dompte sa bestialité. Les titres s’allongent, ce Playing Into The Field Of Love dure plus longtemps à lui seul que les deux premiers albums réunis. Les guitares moins frontales qu’auparavant deviennent anguleuses. Les chansons baignent dans une atmosphère générale baroque et fin de règne où surnage la voix toujours aussi magnifiquement charismatique et approximative d’Elias Bender Rønnenfelt. La grande nouveauté réside également dans les arrangements (violon, piano, cuivres) qui s’intègrent dans les chansons. On pense parfois à des musiciens comme Warren Ellis ou John Cale même si l’on regrette un sous mixage, comme si le groupe n’avait, encore, osé aller au fond de sa pensée artistique. Comme si le groupe restait encore le cul entre deux chaises et hésitait à accepter sa mue en une sorte de Nick Cave nordique.
Ce disque réserve également une belle surprise au niveau des paroles. Sombres, torturées, elles dépassent le simple stade des questions d’ados attardés (le sexe, les filles, vivre vite, le sexe, les filles, les potes et les filles…) ou en tout cas, pousse le point de vue de manière plus sophistiquée (le rapport entre un fils et son père dans "Glassy Eyed, Dormant and Veiled" par exemple) tout en gardant une colère sourde, une pensée politique et une philosophie assez Dark. Alors ce disque va sûrement diviser. Iceage pourrait bien perdre ses derniers fans, enfin ceux qui ont réussi à tenir jusque là, mais d’un autre côté, ce Playing Into The Field Of Love ouvre vers quelque chose qui, s'il est vraiment assumé, ne peut laisser indifférent…
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