Comédie dramatique de Ödön von Horváth, mise en scène de Michael Thalheimer, avec Harald Baumgartner, Andreas Döhler, Michael Gerber, Moritz Grove, Jürgen Huth, Katrin Klein, Georgia Lautner, Peter Moltzen, Henning Vogt, Katrin Wichmann, Almut Zilcher et Simone von Zglinicki. Sur la façade du Théâtre Marigny, il y a une plaque rappelant le décès d'Ödön von Horvath mortellement atteint par la chute d'une branche de marronnier en sortant du théâtre où il venait d'assister à la projection de "Blanche-Neige".
Cet événement aurait pu être inclus dans ces "Légendes de la forêt viennoise", écrites en 1931, dans lesquelles Ödön von Horvath accumule tout un faisceau de petits faits qui font la vie de Marianne, une espèce de Blanche-Neige contemporaine, l'irruption finale du Prince charmant en moins.
Ici, les protagonistes sont des petits personnages, des anonymes de la grande ville, et quand leurs petits destins bifurquent ce n'est pas pour rejoindre la grande Histoire mais pour connaître un autre petit destin, peut-être encore plus sordide que celui qui leur était promis. Ce sera le cas de Marianne, fille d'un marchand de jouets, qui, au lieu d'épouser le boucher Oscar s'en va avec Alfred, noceur malhonnête qui vit d'expédients.
Pour rendre l'atmosphère mélodramatique de la pièce, qui baigne en arrière-fond dans le climat délétère de la capitale autrichienne au début des années trente, Michael Thalheimer a choisi la voie du minimalisme.
En arrière de la scène, dans une semi-obscurité, sont assis sur une rangée de chaise tous les acteurs qui vont intervenir dans ce drame noir. Au devant de la scène, sont présents ceux qui jouent. Quelquefois, ceux qui ne parlent pas revêtent des cartons où sont dessinés des visages en guise de masque.
Contrairement à sa précédente mise en scène à La Colline, celle de "La Mission", Michael Thalheimer n'utilise aucune machinerie compliquée pour ses "Légendes de la forêt viennoise". Tout juste se permet-il de faire jaillir subrepticement une petite pluie de confettis.
Car, il s'agit de faire bien entendre la parole d'Ödön von Horvath, cette petite musique où chacun cherche à s'affranchir de sa triste existence. Au bout du compte, au bout du drame, il y aura bien eu quelques preuves de solidarité noyés dans un océan de noirceur.
Annonciateur des temps bruns, Ödön Von Horvath a tressé des liens de malheur entre tous ses personnages minuscules. On le perçoit encore dans la version de Michael Thalheimer même si c'est le pur mélodrame qui triomphe.
Malgré la distance de la langue quand on ne la pratique pas, les acteurs allemands, qui forment un choeur sobre et homogène, font passer une intense émotion, notamment dans la scène finale.
Cette version simple et prenante des "Légendes de la forêt viennoise" devrait permettre de mieux faire connaître un auteur qui, à cause de sa disparition prématurée, n'a pu donner toute sa pleine mesure. |