Spleen et idéal…

L’automne 2014 aura été notamment marqué par la sortie de deux disques aussi beaux qu’enthousiasmants. Deux disques, We’re All Set d’Original Folks et But The Vision Soon Faded de Marxer pour ne pas les citer, qui partagent l’idée d’une certaine exigence et d’une excellence musicale. Les points communs ne s’arrêtent pas là, puisque Franck Marxer est guitariste dans les deux groupes et le tout jeune label Strasbourgeois Rival Colonia accueille les deux formations.

"Rival Colonia est né de la volonté de Franck (Marxer) de publier le premier disque de Marxer comme il l'entendait : dans sa propre démarche, indépendante d'obligations extérieures, pour que ça lui appartienne pleinement. Original Folks a suivi cette démarche, tout comme Solaris Great Confusion et Bang Bang Cock Cock, qui se sont joints à nous pour développer la structure à différents niveaux, musicaux bien sûr, mais annexes et complémentaires aussi. Sous cette impulsion, les envies se sont enrichies et d'autres formations sont susceptibles de nous rejoindre à l'avenir. Le label pourra en parler quand les choses auront avancé avec ces futurs projets possibles" nous explique Jacques Speyser. "On a créé le label pour faire notre truc, dans un premier temps, et pourquoi pas, donc, rencontrer d'autres formations qui seraient intéressées par une démarche commune. Mais pas forcément que de Strasbourg. Il n'y a pas de volonté d'intégrer une scène particulière. Des recoupements peuvent se faire bien sûr, mais ce n'est pas une fin en soi. Les groupes actuels de Rival Colonia sont potes, ceux d'éventuels projets futurs sont des découvertes de Franck à l'heure actuelle."

La sortie de ces deux disques est un beau couple double pour le label. Si la musique habitée, poignante et tout en clair-obscur de Marxer brille entre grâce et fragilité et rappelle l’élégance de groupes comme les Tindersticks, Sparklehorse, The Walkabouts pour le mélange entre voix féminine et masculine, Lambchop ou Felt, celle d’Original Folks évoque dans sa profonde sensibilité et dans les émotions qu’elle procure des groupes comme Midlake, Wilco ou lloyd Cole And The Commotions. Pour Franck Marxer, les influences de son groupe sur ce premier EP, "vont lorgner du côté du song writing anglais de la fin des années 80 / début 90… Felt évidemment, mais aussi les Weather Prophets et Peter Astor, Everything but the girl…" Alors que "Les influences d'Original Folks sont bien diverses puisque nous écoutons tous les cinq des choses assez différentes mais nous nous retrouvons sur des références. Je pense aux Beach Boys, à Prefab Sprout... je ne sais pas... mais la palette est bien plus diversifiée que cela. Là c'est moi qui cite, mais chacun dirait autre chose. J'ai une admiration pour la persévérance et la foi d'un groupe comme Teenage Fanclub (et certains de leurs projets annexes comme Lightships) qui entretiennent leur musique en faisant juste ce qui les anime, sans que ce soit révolutionnaire ou particulièrement savant. C'est juste qu'ils s'affinent avec le temps, sur les bases d'une musique "simple", personnelle et touchante, populaire mais singulière, qui leur appartient au final" affirme Jacques Speyser.

Dans les deux cas, chacun qualifie sa musique de pop (Blue pop même pour Marxer) se voulant touchante. Et l’on peut avouer qu’ils réussissent bien à nous émouvoir, à nous porter loin… Si Marxer est, avec sa musique poignante et pleine de spleen, l’adret, Original Folks en est l’ubac, versant apaisé. Et si But The Vision Soon Faded est aussi habité, aussi fort, c’est qu’il est marqué par l’absence. La disparition de Müjde Gurs - Antoine, qui chante et joue sur l’album. La pochette signée Eric Antoine est là pour la souligner.

Les deux groupes ont pris le temps de façonner leur musique avec cette ferveur d’artisans. Ont Laissé au temps faire son travail. Ont soigné leurs compositions et leurs superbes mélodies. "Il faut que la musique soit en quelque sorte une nécessité personnelle pour que je puisse la trouver digne d'intérêt à mes yeux, et donc entrer à nouveau en action. C'est quand cette foi s'amenuise que je n'y trouve pas mon compte, et dans ce cas, c'est une sorte de lutte pénible d'arriver à y trouver un sens, ça parasite. Il vaut mieux calmer le jeu pour reprendre éventuellement plus tard. Et ça peut prendre cinq années, oui, pour retrouver ce genre d'envie profonde, que rien ou presque n'arrête. C'est là que ça vaut le coup, pour moi." Une évidence pour Jacques Speyser mais qu’il faudrait rappeler à de nombreux autres groupes…