"La philosophie est un combat contre l’ensorcellement de notre intelligence par le moyen de notre langage." Wittgenstein
"The desire to show the body as a protuberance of skin and cells that mutate, which failed you and who betrays you - this aspect so trivial, unimportant and grotesque of ourselves" Margaret Chardiet
A l'image de l’artwork de sa pochette (le corps de Margaret Chardiet recouvert de bouts de carcasses et de viscères d’animaux), voilà un disque qui vous saisit à la gorge et qui vous la serre jusqu’à la nausée. Ce disque n’est pas de tout repos, il n’est pas fait pour être beau. C’est une décharge, un coup de poing, un crachat, un vomissement noise. L’écouter dans son entier est presque, malgré sa relative courte durée, à peine 30 minutes, un acte de bravoure tellement il met mal à l’aise.
Quatre jours avant de partir faire sa première tournée Européenne, la musicienne expérimentale New-Yorkaise Margaret Chardiet (issue du caravansérail Red Light District) se retrouve aux urgences, suite à la découverte d’un kyste assez important pour retirer l’organe auquel il s’était attaqué. La maladie est arrivée si soudainement que Chardiet n’a pas eu tout de suite conscience de la gravité de la situation alors que son corps pourrissait lentement. Une dichotomie ressentie comme tel, entre un corps qui agirait en sa propre volonté (conscience) et du même coup trahirait le moi mental.
Voilà ce que "raconte" ce Bestial Burden. La terreur, cette lutte pour la vie, le trauma psychologique, cette violence, l’abjection et l’intensité du conflit qui se joue dans les entrailles de la musicienne. Vous imaginez bien que l’on n’a pas affaire ici à de la twee pop. Plutôt à de la noise lardée de coups de scalpels comme autant de décharges électriques, des cris tribaux (et chacun sait que la musique est un cri qui vient de l’intérieur…), suffocation (vaccum enregistré alors que la chanteuse s’étouffait volontairement), de crachats et autres vomissures (je vous laisse découvrir "Primitive Struggle"), d’ostinatos mélodiques amenant à la transe...
Ce disque est comme une boule musicale, d’une extrême radicalité, qui vous prend au ventre. Un moyen pour Margaret Chardiet d’exorciser son mal, de cautériser ses plaies (ce que faisait déjà en parti son premier disque, Abandon, et qui se retrouve dans la définition même entre remède et poison de son nom de scène). Et pour nous d’écouter, qu’on l’aime ou non, position de toute façon anecdotique, peut-être le disque le plus intensément violent ou le plus incommodant de cette année 2014.
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