Comédie dramatique de Guy-Patrick Sainderichin et Julie Duclos, mise en scène Julie Duclos, avec Maëlia Gentil, David Houri, Yohan Lopez, Magdalena Malin et Alix Riemer.
Si l'on regarde "Nos serments" comme un spectacle purement théâtral, on sera forcément déçu par son "histoire absolument basique", comme la revendique Julie Duclos qui l'a co-écrite et mise en scène. François est un barbu qui ne fait rien, a une voix douce peu portée à la colère, mais arrive quand même à séduire des femmes. Pendant plus de deux heures, "Nos serments" montrera trois moments de sa vie amoureuse, marquée par une dialectique floue, hésitante, consistant à ne pas savoir s'il doit être sur le plateau ou s'il faut qu'il le quitte pour être ailleurs, un ailleurs matérialisé par cet écran vidéo que l'on connaît désormais très bien au théâtre, et qui est situé en retrait au milieu de la scène. Prétendant s'inspirer de Jean Eustache, et de son film "La maman et la putain", "Nos serments^ est en fait plus près d'un "Plus belle la vie" qui aurait les mêmes prétentions à déconstruire qu'un film d'Arnaud Desplechin et lorgnerait sur l'univers de Philippe Garrel. Ceux qui vont aimer devraient s'amuser du personnage de François, totalement coupé de toute réalité sociologique, qui ressemble au spectre du personnage d'Alexandre incarné par Jean-Pierre Léaud dans le film cité de Jean Eustache. Sauf qu'Alexandre était bavard, lunaire, brillant, marginal mais de son temps, alors que François est une construction d'hier plaqué sur aujourd'hui. Ainsi si Paquita Milville, la scénographe, a placé, çà et là, dans son décor unique, beaucoup de livres pour faire intérieur d'intello, jamais quelqu'un n'a l'idée d'en ouvrir un. Pareillement, l'électrophone d'Alexandre, qui lui permettait d'écouter Fréhel et Zarah Leander, et de les commenter finement, a été remplacé par un MP3 où les musiques, toujours zappées, se succèdent presque avec indifférence. Si la littérature et la musique ne sont plus que des éléments décoratifs, le théâtre lui même n'est pas premier comme il l'était paradoxalement dans le film d'Eustache. Ce n'est pas faire injure à Guy-Patrick Sainderichin, le co-auteur du texte, de le qualifier de "vieux routier" en matière de scénario, lui qui a collaboré avec Godard et mis son talent à un grand nombre de séries télés. Il pousse donc naturellement "Nos serments" du côté du cinéma en utilisant, par exemple, une "voix-off" aussi explicative que dans les films de Truffaut.
Cela a pour effet de casser toute émotion théâtrale. Au lieu d'entendre Esther user de sa voix d'actrice de théâtre pour se plaindre de l'absence de François, c'est sa voix enregistrée qui le fait pour elle.
De même, les retrouvailles lelouchiennes entre François et Oliwia (avec un "w") sont l'objet d'un "court-métrage" en forme de très long plan fixe sur le fameux écran central plutôt que d'une scène théâtralisée.
"Nos serments" de Julie Duclos et Guy-Patrick Sainderichin est donc une tentative d'entre-deux arts, d'entre-deux temps aussi, qui n'est pas inintéressante mais pourra laisser de marbre ceux qui préfèrent l'évidence de l'art théâtral au théorique d'un travail qui cherche autre chose avec un matériel trop riche en références, trop pauvre en contenu et en audace. |