Comédie satirique de Nicolas Gogol, mise en scène de scène de Ronan Rivière et Aymeline Alix, avec Michaël Cohen, Ronan Rivière, Jérôme Rodriguez, Christelle Saez, Jean-Benoît Terral, Louis Thelier et Léon Bailly au piano.
C'est le branle-bas de combat dans la petite bourgade de province : on annonce l'arrivée imminente du Revizor, l'Inspecteur Général en tournée envoyé par le gouvernement. La venue d'un tel personnage fait soudain souffler un vent de panique chez le Gouverneur et ses conseillers. Mais c'est un jeune voyageur de vingt-quatre ans qui est pris pour lui. C'est le début de la pièce de Nikolaï Gogol qui, une nouvelle fois, égratigne toute l'administration russe, ses fonctionnaires vénaux et toutes les magouilles qui la gangrènent. Ce jeune fonctionnaire au centre du quiproquo est redouté surtout à cause de tout ce qu'il pourrait découvrir des irrégularités qui sévissent dans la gestion de la ville. Le faux Revizor comprend vite la méprise et se sert de la cupidité de ces hommes avides de pouvoir pour leur extorquer à chacun une petite fortune. Du Gouverneur jusqu'à ses conseillers, il n'y en pas un pour sauver les autres. Leur hypocrisie et leurs bassesses sont mises en évidence par cette pantalonnade. C'est la même chose pour la fille du Gouverneur qui ne voit dans la future union avec cette personnalité qu'une façon de briller en société en même temps qu'un ascension sociale. Admirablement écrite, la pièce de Gogol est une très belle partition, joliment rythmée, que le duo de metteurs en scène Aymeline Alix - Ronan Rivière met en valeur de la plus belle façon qui soit dans une adaptation resserrée. La scénographie minimaliste mais remarquable d'Antoine Milian qui voit une planche de verre inclinée faire office de table, de lit ou de placard. Et une fenêtre - inclinée elle aussi - donne une ambiance expressionniste que les comédiens (habillés par les superbes costumes d'Elsa Fabrega) relayent de leur jeu aussi expressif qu'énergique. Le tout dans des lumières soignées de Xavier Duthu qui accroissent cette atmosphère grotesque. Un pianiste sur scène (Léon Bailly) est intégré au jeu et donne le tempo avec beaucoup de pertinence à la farce qui se déroule. Autour de lui fondu dans le décor, les protagonistes s'agitent en tout sens. Il faut camoufler tous les dysfonctionnnements et faire taire les marchands mécontents aux portes de la maison. C'est drôle, pétillant, grotesque, grinçant, absurde... Tous les comédiens sans exception sont au diapason pour lâcher les chevaux dans cette farce débridée à commencer par Jean-Benoît Terral qui interprète un Gouverneur merveilleux de vanité dont la fausse gentillesse cache mal la tyrannie. Il est grandiose. Le Revizor c'est Ronan Rivière qui se régale de ce rôle en or qu'il joue lui aussi avec beaucoup de nuances. Michaël Cohen et Jérôme Rodriguez sont Dobtchinski et Bobtchinski, les deux conseillers véreux. Le premier au jeu précis est d'une grande crédibilité. Le second, dont chaque apparition provoque l'hilarité de la salle, ajoute un rare don comique.
Louis Thelier est un Osip hâbleur et savoureux. Enfin, le rôle féminin de la pièce est défendu avec talent par Christelle Saez qui ne ménage pas son effort et incarne une bien pétulante Maria.
Divertissement efficace autant que réflexion subtile, "Le Revizor" est une vraie réussite. Toute la troupe offre avec cette fable corrosive un bonheur théâtral de premier choix. Courrez-y ! |